Eduquer les enfants nomades du Nigeria


Lecture 5 min.
arton20755

Les enfants de la plupart des nomades nigérians passent à travers les mailles du filet de l’éducation, car la priorité est donnée à l’enseignement du métier familial et leur mode de vie itinérant fait qu’ils vont rarement à l’école. Tandis que le nomadisme devient de moins en moins viable, les enseignants et les autorités gouvernementales trouvent cependant de nouveaux moyens d’y remédier.

Les nomades du Nigeria se divisent en trois groupes : éleveurs, pêcheurs et agriculteurs. Mais le rétrécissement des réserves de pâturages, le blocage des chemins de pâture et les tensions croissantes entre les nomades et les fermiers poussent les éleveurs à abandonner leurs techniques traditionnelles.

De plus en plus de nomades s’installent dans des villages ou des villes, où ils prennent tout emploi qui se présente, a dit Saleh Momale, directeur de Pastoralist Resolve, une organisation non gouvernementale (ONG) qui joue un rôle de médiateur dans les conflits entre nomades et fermiers.

Une transition difficile

La transition n’est pas toujours facile. « Lorsque les Fulanis doivent soudainement se sédentariser, ce qui est de plus en plus le cas au Nigeria, les jeunes hommes ont souvent beaucoup de mal à s’adapter à ce changement soudain », a dit M. Momale à IRIN. Beaucoup de jeunes nomades vivant en ville qui ont été peu ou pas scolarisés tombent dans la délinquance.

À la mi-2008, la police et les autorités locales ont expulsé environ 2 000 éleveurs fulanis de l’État du Plateau, dans le sud du pays, les obligeant ainsi à se réinstaller dans l’État de Bauchi. Les enfants fulanis fraîchement sédentarisés ont été inscrits dans les écoles locales et les taux d’inscription ont grimpé en flèche.

Le succès de la transition dépend de la réceptivité des autorités gouvernementales, a dit M. Momale. Dans l’État de Bauchi, cela s’est relativement bien passé, car le gouvernement a alloué 500 000 dollars à l’éducation des éleveurs. Les relations entre les éleveurs et les communautés sédentaires y sont donc bien plus étroites que partout ailleurs.

Des méthodes d’enseignement adaptées

La Commission nationale pour l’éducation des nomades (NCNE), dont le siège se trouve à Kaduna, dans l’État du même nom, au nord du Nigeria, essaie d’adapter les méthodes d’enseignement et le matériel pédagogique aux communautés nomades. Les manuels scolaires sont traduits dans les langues parlées par les groupes nomades, des enseignants nomades sont choisis pour accompagner les enfants sur la route et leur faire cours et des écoles sont établies le long des chemins de pâture – il y en a maintenant environ 2 200 à travers le pays.

L’enseignement se fait généralement en fulfulde – la langue des Fulanis – mais, pour le million de pêcheurs nomades du Nigeria, qui parle plus de 30 langues différentes, les enseignants envisagent d’utiliser un pidgin anglais.

Le matériel pédagogique fait également l’objet d’adaptations. Ainsi, des noms fulanis sont donnés aux personnages des livres scolaires pour que les enfants puissent s’identifier à eux. Mais Aliyu Erdo, directrice du développement de programmes de la NCNE, a dit que les enseignants devaient quand même préparer les enfants aux examens nationaux.

Les enfants peuvent aller d’une école à l’autre, au fur et à mesure que leur groupe se déplace, et ne rester que quelques mois dans chacune d’entre elles. La NCNE tient à aider les éleveurs à préserver leur mode de vie nomade et expérimente actuellement un projet d’enseignement par radio.

Le projet visera six États – Kaduna, Kano, Nassarwa, Bauchi, Gombe et Yobe – et commencera par les élèves de première année du primaire pour, petit à petit, s’étendre aux six années du primaire. La NCNE s’apprête à engager des comédiens voix-off professionnels pour enregistrer les 90 premières leçons.

Un projet de radio

Les chefs de projet ont également recours aux ondes pour attirer les enfants. « Les émissions traitent de la nécessité pour les enfants nomades d’aller à l’école et attirent l’attention sur les responsabilités civiques des nomades et leurs responsabilités au sein de la société », a dit Mme Erdo.

Il est particulièrement important pour les familles d’éleveurs nomades de garder leurs fils près d’elles pour leur enseigner à élever du bétail, mais c’est ce qui a conduit nombre d’entre eux à abandonner l’école après le primaire, a dit Mme Erdo. « De nombreuses écoles primaires ont en fait plus de filles que de garçons, car les familles considèrent l’élevage plus important », a-t-elle dit à IRIN.

Umar Idriss, un élève, a fréquenté tout un réseau d’écoles primaires pour les nomades le long d’un itinéraire emprunté par sa communauté d’éleveurs de bétail fulanis et a ensuite été pensionnaire dans une école secondaire à Kaduna, avec des garçons de différents milieux.

Il est maintenant confronté à un dilemme : retourner à sa vie nomade ou s’inscrire à l’université. « Mon père veut que je m’occupe du bétail de la famille », a expliqué M. Idriss à IRIN, dans un anglais parfait, « mais je voudrais aller à l’université et étudier la science vétérinaire ».

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News