Presque cinq ans après son entrée en vigueur, la loi qui a rendu obligatoire l’enseignement de l’histoire de l’Afrique et de la culture afrobrésilienne dans l’éducation de base reste encore dans les tiroirs. L’application d’une politique spécifique pour la formation des professeurs et la production de matériel didactique prévue dans la Loi 10.639 avance à pas lents.
Article original publié en janvier 2008
La Secrétaire de l’Éducation Continue, l’Alphabétisation et la Diversité (Secad) du Ministère de l’Éducation (MEC) reconnait la non application de la législation et envisage pour 2010 le début d’une inversion du déficit pédagogique actuel. À ce sujet, seul un groupe réduit d’initiés dans le monde académique a accès à l’image d’un continent qui durant la période médiévale connaissait des techniques de construction avancées, des empires, avait la maitrise de l’écriture et possédait même des universités.
Cette réalité faisait partie de l’Afrique avant l’arrivée des européens, mais elle est méconnue des élèves dans les écoles du pays. Dans les salles de classe prédomine le stéréotype de tribus primitives et des noirs mis en esclavage, en plus de manifestations culturelles limitées à la pratique du candomblé et de la capoeira. “C’est comme les pays qui n’associent le Brésil qu’à la samba, à la mulâtresse et au football”, se lamente le professeur d’histoire de l’Afrique Anderson Ribeiro Oliva, de l’Université Fédérale du Recôncavo à Bahia.
Dans la thèse de doctorat Leçons sur l’Afrique (Lições sobre a África) défendue cette année à l’ Université de Brasília (UnB), Oliva fait une lecture comparative entre les représentations des africains et du continent noir dans l’imaginaire occidental. “L’image de l’Afrique du passé et celle des esclaves et la contemporaine est établie comme meurtie par la guerre, la misère et la maladie”, explique l’historienne. “Il existe encore l’impression exotique formée par les savanes et les safaris”, complète-t-elle. Oliva fait également apparaitre le même stéréotype dans l’analyse de la manière dont les noirs sont dépeints dans la littérature et dans les média.
Selon le chercheur, la loi n’a suscité que des expériences ponctuelles. La coordinnatrice générale de Diversité et Inclusion Éducationnelle de la Secad, Leonor Franco de Araújo, allègue que la première difficulté dans l’application de la loi est la propre constrcution culturelle raciste de la société, également intrinsèque dans les universités. “Les universités devraient travailler sur cette question dans la formation initiale des professeurs. Ce n’est pas ce qui se passe”, révèle-t-elle.
Retard
Selon l’évaluation du coordinateur du Centre d’Études Afro-Brésiliennes (Núcleos de Estudos Afro-Brasileiros – Neab) de l’UnB, Nelson Inocêncio, rien ne justifie que l’on attribue la responsabilité du manque de professeurs et du matériel didactique aux universités. Pour Inocêncio, une série de facteurs contribuent au retard de l’enseignement de l’histoire et de la culture afro-bésiliens. “Les éditeurs n’investissent pas dans des publications sur le sujet et les états et les municipalités ne prennent pas en charge la qualification des professeurs”, détaille-t-il . La loi n’a pas changé la réalité de la professeure Marizeth Ribeiro. Elle doit toujours explorer pour offrir aux élèves de l’école primaire (1ère à 4ième série) de l’École Classe 16 de Gama un cours différencié.
“Je leur enseigne ce qui m’a été refusé en tant qu’élève et pendant la faculté”, dit-elle. Malgré l’effort de la professeure, la première représentation que les élèves font de l’Afrique est celle de l’esclavage et de la misère. “Les livres d’histoire ont très peu changé le portrait de la réalité”, se lamente-t-elle. Pour ses classes, Marizeth parcourt les publications de la Fondation Palmares et du MEC. “Je dois aller au delà d’un matériel qui devrait être distribué par toutes les écoles”, indique-t-elle.
Selon la coordinatrice du Secad, 21 publications spécifiques sont à la disposition des établissements d’enseignement supérieur depuis 2003, mais le contenu n’est pas présent dans les curriculums des cours de licence et de pédagogie. “Les universités ne veulent pas assumer cette thématique comme étant importante pour la formation des professeurs”, affirme-t-elle. Selon Leonor, les préparations des éducateurs pour aborder le sujet sont réduites à des actions stratégiques isolées. “On ne pas passer la vie entière à faire de la formation continue pour un sujet qui est inscris aujourd’hui dans la Loi des Directives (LDB – Lei de Diretrizes e Base)”, dit-il.
Investissements
Pour rattraper le temps perdu, le ministère travaille sur un programme national d’élargissement de l’application de la loi prévu en 2008. Le MEC investira également R$ 5 millions dans les 67 Neab éparpillés dans les universités brésiliennes. Par le biais du Programme d’Actions Affirmatives pour la Population Noire ( Programa de Ações Afirmativas para a População Negra – Uniafro), les centres recevront des financements pour augmenter la formation des professeurs et l’élaboration du matériel didactique.
“On espère qu’au plus tard en 2010, les gens auront une production significative de matériel pour les écoles”, prévoit-t-il.