La conférence sur le racisme, nommée Durban II, a débuté lundi au siège des Nations Unies à Genève, en Suisse, dans un climat tourmenté. Plusieurs pays occidentaux ne sont pas venus au rendez-vous, craignant un éventuel dérapage du président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Ce dernier n’a d’ailleurs pas manqué de traiter Israël de « gouvernement raciste », cet après-midi, poussant ainsi les quelques pays occidentaux présents à quitter la conférence.
«Après la fin de la Seconde guerre mondiale, ils (les Alliés, ndlr) ont eu recours à l’agression militaire pour priver de terres une nation entière sous le prétexte de la souffrance juive », a déclaré le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, lundi après-midi, à Genève, devant les participants de la conférence de l’ONU sur le racisme, Durban II. «Ils ont envoyé des migrants d’Europe, des Etats-Unis et du monde de l’Holocauste pour établir un gouvernement raciste en Palestine occupée», a-t-il ajouté devant un parterre d’officiels européens médusés. L’intervention du président iranien a duré plus de trente minutes au lieu des sept prévues. Sous la violence de l’assaut, plusieurs représentants des Etats occidentaux ont quitté la salle.
Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU a vivement critiqué les déclarations de Mahmoud Ahmadinejad. «Je déplore l’utilisation de cette plateforme par le président iranien pour mettre en accusation, diviser et même provoquer», a-t-il déclaré. «C’est profondément regrettable que mon plaidoyer pour regarder vers un avenir d’unité n’ait pas été écouté par le président iranien», a-t-il ajouté. L’ambassadeur américain adjoint à l’ONU, Alejandro Wolff, a qualifié de «honteux», d’«exécrables» et de «haineux» les propos de M. Ahmadinejad. Le président français, Nicolas Sarkozy, a appelé l’Union européenne à faire preuve «d’une extrême fermeté». Cependant, la France restera à la conférence, alors que la plupart des Etats européens l’ont boudée. La secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme, Rama Yade, sur la chaîne de télévision France 3, a expliqué qu’«il y avait des provocations abjectes qui scandalisent à juste titre, mais il faut rester pour combattre».
Les enjeux de la conférence
La conférence sur le racisme organisée par les Nations Unies à Genève, du 20 au 24 avril 2009, vise à évaluer les progrès, pour la mise en œuvre des actions ouvrant la voie à l’égalité pour chaque individu et chaque groupe dans toutes les régions et pays du monde, réalisés par Durban I. Les propos antisionistes tenus par l’Iran lors de cette première conférence, qui s’est déroulée en Afrique du Sud en 2001, avaient déjà provoqué le départ fracassant des Américains et des Israéliens.
Forts du souvenir de Durban I, durant plusieurs semaines, plusieurs pays ont laissé planer le doute sur leur participation à la conférence de Durban II. Au dernier moment, les USA, l’Australie, la Nouvelle Zélande l’Italie et les Pays bas ont annoncé leur désistement. Le Canada et Israël avaient, quant à eux, notifié de longue date qu’ils n’y prendraient pas part. L’Allemagne a rallongé la liste des pays absents dimanche soir. Son ministre des affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier a, malgré tout, assuré qu’elle serait « une observatrice très attentive du déroulement de la conférence et pourrait reprendre une participation active un peu plus tard ».
Les raisons de la polémique
Pour nombre de ces pays, c’est le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, connu pour ses diatribes antisémites, qui pose problème. D’autres doutent sur le projet de déclaration finale qui pourrait porter atteinte à la liberté d’expression.
En Europe, la Pologne, les Pays Bas et l’Italie craignent le détournement des objectifs de la conférence au profit d’« affirmations irrecevables, agressives et antisémites ». Pour ces pays, Durban II pourrait être pire que Durban I en 2001, car « les pays peu préoccupés par les droits de l’Homme cherchent à détourner la conférence afin de placer la religion avant les Droits de l’Homme », a souligné le ministre des Affaires étrangères Néerlandais, Maxime Verhagen.
Le président américain Barack Obama a expliqué la non participation de son pays par le fait que, selon lui, l’inclusion de certains propos dans le document final serait « absolument hypocrite et contre productif ». La Nouvelle Zélande et l’Australie ont emboîté le pas aux autres Etats, en avançant que Durban II serait encore l’occasion d’un forum pour exprimer des opinions injurieuses et antisémites.
Après l’échec de 2001 en Afrique du Sud, la conférence sur le racisme de 2009 en Suisse semble bien loin de pouvoir atteindre ses objectifs. La déclaration du président iranien vient confirmer la crainte des Etats absents, mettant ainsi en berne un éventuel Durban III.
Les propos du président iranien n’ont pas suscité une telle levée de bouclier parmi les représentants des pays musulmans, qui demeureront présents au sommet sur le racisme.