Du Wap dans les champs


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Révolution technologique chez les agriculteurs sénégalais. Manobi, une société française, propose aux fermiers un service d’information sur les cours du marché local, via leurs téléphones portables. Ou comment vendre ses papayes au juste prix, avec le Wap.

 » Au début, quand David est venu nous présenter Manobi, c’est vrai qu’on était réticents parce qu’on n’était pas habitués. Mais à force de l’utiliser, on s’est rendu compte que ça changeait beaucoup de choses du point de vue de la vente et aujourd’hui je l’utilise 4 à 5 fois par semaine, à chaque transaction.  » Mamadou Sylla, qui cultive des aubergines, des courgettes, des concombres et des papayes dans la région de Thiès, à 60 kilomètres de Dakar, est en pleine révolution numérique. Et lorsqu’un marchand lui rend visite avant d’aller vendre ses denrées sur les marchés de la capitale, le cultivateur commence par consulter Internet sur son téléphone portable. Après, seulement, les négociations peuvent commencer.

Echanges fluides

Qu’est-ce qui a changé pour cet agriculteur et pour 170 autres cultivateurs sénégalais ? David Boggio, de la société Manobi, est venu lui rendre visite, un beau jour d’avril, pour lui proposer un service à la pointe de la technologie. Via son téléphone portable, et pour un prix un peu inférieur à celui d’une communication normale, Mamadou Sylla peut accéder au Wap (Wireless Application Protocol). En clair, il se connecte à une interface Internet qui lui indique les prix de vente de ses denrées. Plus question de s’appuyer sur des rumeurs ou sur une estimation à l’emporte-pièce pour fixer la valeur d’un kilo de concombre ou de papayes… L’évolution, en temps réel, des cours sur le marché local s’affiche sur son écran. A l’autre bout du terminal, des  » enquêteurs  » basés sur les marchés de Dakar rendent compte régulièrement des prix de chaque fruit et légume.

 » C’est à l’avantage de tout le monde. S’il y a une pénurie de poivrons sur l’un des six marchés de Dakar, un intermédiaire saura où en trouver dans la campagne sénégalaise. Et, d’un autre côté, si un cultivateur veut vendre ses poivrons à ce moment là, il saura qu’il peut en tirer un bon prix. En un mot, ça fluidifie les échanges « , explique Daniel Annerose, l’un des créateurs de Manobi. L’entreprise, fondée il y a un peu plus de deux ans, est partagée entre un pôle technique basé à Montpellier et un pôle plus commercial au Sénégal. En plus de ses initiateurs, elle emploie déjà trois commerciaux sénégalais et cinq enquêteurs recrutés à l’école d’ingénierie agronome de Dakar.

Conquérir 70% du continent

Le pari est audacieux, mais bien pensé :  » La fracture numérique est une réalité en Afrique. Si, dans les villes, le téléphone portable et l’Internet connaissent un grand succès, ce n’est pas encore le cas dans les campagnes. Or, l’Afrique est à 70% rurale « , poursuit l’inventeur du service Manobi. Son raisonnement : en proposant des services directement utiles aux producteurs, on peut conquérir un marché des télécommunications qui couvre les deux-tiers de la population du continent…

En attendant, Manobi a passé un accord avec l’une des deux compagnies de téléphonie mobile sénégalaises, la Sonatel. Cette dernière lui reverse une part des bénéfices réalisés du fait de la connexion des agriculteurs au Wap.  » Ça simplifie les facturations. Il est très difficile de faire payer le service aux fermiers sous la forme d’une facture à la fin du mois : soit les gens n’ont pas d’adresse postale, soit, s’il y a un problème, les procédures de recouvrement son très compliquées « , explique David Boggio. A terme, Manobi aimerait multiplier les partenariats avec les compagnies de téléphonie mobile en Afrique de l’Ouest pour élargir son activité.

Et bientôt, la pêche au Wap

Concrètement, il semble que l’expérience Manobi ait vraiment changé les habitudes. Même si certains agriculteurs préfèrent cacher aux  » bana-bana  » (marchands) leur nouvelle arme pendant les tractations…  » C’est normal : lors d’une négociation, on n’abat pas son jeu. Certains font patienter leur acheteur cinq minutes, vont consulter discrètement Internet sur le mobile, et reviennent négocier à la hausse « , s’amuse David Boggio. L’aventure ne fait que commencer, Manobi devrait bientôt s’étendre au secteur de la pêche. Une extension du service pour assurer la sécurité des bateaux par un service de communications amélioré par la téléphonie mobile serait même à l’étude. En cette semaine de deuil national après le naufrage du Joola, c’est là un projet auquel tous les Sénégalais devraient être sensibles.

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