Le riz est peut-être toujours un symbole de la sécurité alimentaire en Afrique, mais contrairement aux légumes, cette céréale n’améliore pas beaucoup la nutrition, selon l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT), dont le siège se trouve en Inde.
Les légumes devraient avoir une place dans les champs et sur les tables au même titre que les céréales généralement produites dans les pays arides, a dit à IRIN Sanjeet Kumar, expert en sélection des légumes auprès de l’ICRISAT et de l’AVRDC-The World Vegetable Center (anciennement connu sous le nom d’Asian Vegetable Research and Development Center), situé à Taiwan.
« Tandis que le riz et les autres céréales peuvent apaiser la faim, les légumes renforcent la sécurité nutritionnelle et nécessitent moins d’espace pour pousser ».
« Le riz est pauvre en vitamines et minéraux essentiels, soit parce que ces éléments ne sont pas présents dans le riz, surtout lorsqu’il est poli [blanc], soit parce qu’ils ne peuvent pas être absorbés par les humains », a dit à IRIN Roland Kupka, spécialiste en nutrition pour le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). « Des régimes qui sont essentiellement à base de riz poli peuvent conduire à des carences en fer, en zinc, en vitamines A et en thiamine [vitamine B1], ce qui affecte la croissance, les défenses immunitaires et le développement intellectuel des enfants ».
Selon M. Kupka, les aliments riches en minéraux et en vitamines sont les fruits, les légumes et les produits d’origine animale tels que les œufs ou le poisson.
L’UNICEF estime que 40 pour cent des enfants de moins de cinq ans dans la région aride du Sahel sont atteints de malnutrition chronique, car ils manquent des vitamines et des minéraux nécessaires pour renforcer leur système immunitaire et leurs capacités intellectuelles. Selon les estimations, 300 000 enfants de moins de cinq ans décèdent chaque année de malnutrition.
Les professionnels de la santé disposent de balances, de brassards et de critères pour détecter la malnutrition aiguë (lorsque le poids des enfants est insuffisant par rapport à leur taille), mais il est plus rare qu’ils aient des microscopes pour analyser le sang et mesurer les carences en oligo-éléments.
Avantage comparatif
À la question de savoir pourquoi le riz prend plus d’importance que des produits agricoles plus nutritifs, le directeur du Centre du riz pour l’Afrique, Papa Abdoulaye Seck, a dit à IRIN que la culture du riz pouvait permettre de financer ces autres productions.
« Le riz est une denrée stratégique… Nous pouvons faire commerce avec le riz. Imaginez si les deux milliards de dollars [estimations de 2006] que l’Afrique dépense en importations de riz chaque année étaient réinvestis dans le secteur agricole – pensez-vous que 265 millions d’Africains souffriraient de la faim » ? a demandé M. Seck, faisant référence à une estimation de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Selon M. Seck, les agriculteurs africains ont un avantage comparatif à faire pousser du riz. « Nous voulons développer la culture du riz plutôt que des légumes [seulement], car l’Asie, le plus important producteur de riz, ne va pas pouvoir continuer ainsi. En Asie, il y a des terres arables, mais moins d’eau. Tandis qu’en Afrique, nous avons un fort potentiel ».
La FAO estime qu’en Afrique, les agriculteurs utilisent 17 pour cent des terres cultivables, ce qui laisse quelque 126 millions d’hectares à planter, a-t-il dit.
Manque de graines
M. Kumar, qui est installé au Niger a dit que l’ICRISAT et l’AVRDC-The World Vegetable Center collaboraient avec des groupes locaux depuis 2001 pour mettre en place en Afrique de l’Ouest 2 500 jardins potagers munis de systèmes d’irrigation au goutte-à-goutte, des tuyaux microperforés qui arrosent directement les racines des plantes.
« Il existe des légumes locaux et les gens connaissent l’importance des légumes traditionnels, mais ils n’ont pas de graines ou celles-ci leur sont données par d’autres pays et ne sont pas adaptées aux conditions locales », a dit M. Kumar à IRIN.
Selon lui, au Sahel, ce n’est pas la terre qui est le principal obstacle au développement de la culture maraichère, mais le manque de semences. Les parcelles de légumes ne dépassent pas les 500 mètres carrés. Des légumes pouvant résister au soleil sahélien doivent être cultivés pour leurs graines, mais le commerce des graines n’est pas développé.
C’est aussi une question de tradition. « Les denrées de base comme le mil et le sorgho ont longtemps dominé les régimes alimentaires dans la région et elles sont adaptées au climat. Les légumes, y compris les légumes indigènes, ont toujours fait partie des régimes alimentaires locaux, mais des variétés de légumes améliorées qui poussent bien au Sahel n’ont été introduites qu’il y a quelques dizaines d’années », a dit Abdou Tenkouano, directeur de l’AVRDC en Afrique.
Un problème de considération
Il y a aussi un problème de considération. « Les légumes tels que les légumes-feuilles traditionnels sont considérés comme de la “nourriture pour les pauvres”. Les gens peuvent ne pas savoir comment les préparer pour profiter de leur teneur nutritionnelle et ils peuvent manquer de connaissances concernant les bénéfices d’un régime alimentaire équilibré sur la santé », a-t-il ajouté.
Pendant les 20 dernières années au Mali, Mariko Fadima Siby a cultivé du fonio, une céréale locale que l’on trouve partout au Sahel.
Elle a dit à IRIN que le riz avait toujours été le signe d’un certain statut social. « Depuis que la culture du riz s’est développée ici, en Afrique de l’Ouest, il y a plusieurs dizaines d’années, vous étiez quelqu’un si vous aviez du riz pendant les vacances ou qu’il poussait dans votre champ. Ce n’est pas que les produits locaux aient été oubliés, mais ils ont été éclipsés par l’éclat du riz ».
Mais, en fin de compte, les gens se tournent vers ce qui pousse dans leur jardin, a conclu Mme Siby. « Nous sommes dans une région chaude du monde. Tout ce qui pousse ici, nous le prenons ».