Le bassiste et chanteur d’origine camerounaise Richard Bona est l’un des trop rares musiciens africains internationalement reconnus. Rencontre avec un amoureux de Paris où il a déjà vécu 5 ans.
Tout juste débarqué des Etats-Unis, Richard Bona donne rendez-vous dans un bar chic de la capitale, à deux pas de la Maison de la Radio. Seule note colorée dans ses habits, une paire de baskets aux couleurs du Cameroun. Il est à Paris comme chez lui. Mieux, c’est en voisin qu’il ira jouer sur la scène du Bataclan lundi prochain, lui qui possède un appartement boulevard Voltaire. De Paris, Richard Bona connaît les coins et les recoins après y avoir passé près de cinq années de sa vie, entre 1989 et 1994, dans le XIIIe, le XXe puis le XIe arrondissement.
Né à Minta en 1967, dans l’Est du Cameroun, il y découvre la musique très tôt. Parti à Douala, la capitale économique du pays, pour suivre son père, il joue dans les clubs de la ville et découvre la musique de Jaco Pastorius. Plus qu’un déclic, une révélation. Sa décision est prise : quitter l’Afrique pour découvrir l’Europe, l’Allemagne rapidement puis la France.
Rapprocher les cultures par la musique est au cœur de sa démarche
À la question du pourquoi « Paris », la réponse fuse : « la langue, la qualité des studios d’enregistrement, l’importante communauté africaine… ». La liste est longue sans être exhaustive. Richard Bona disserte sur le plaisir du café-croissant du matin et parle architecture. « Voilà bien la plus belle ville du monde. J’ai l’impression qu’un seul architecte a construit la cité tant celle-ci est parfaite ». Cette beauté ne l’a pas laissé indifférent et l’a même inspiré : il a écrit près de 150 morceaux dans la ville lumière ! Et multiplié les collaborations avec les plus grands noms de la musique, qu’il s’agisse de Jacques Higelin, Didier Lockwood ou Manu Dibango.
La route semblait tracée pour celui que l’on présentait déjà comme l’un des meilleurs bassistes de sa génération. En 1995, il est même finaliste du concours Découvertes de Radio France Internationale. Mais voilà que la même année, les autorités françaises refusent de lui renouveler son titre de séjour. « Une insulte, une non-reconnaissance de mon intégration depuis plusieurs années en France. Je paie mes impôts, j’y élève mes enfants et je fais mon travail de musicien et voilà que l’on me vire comme ça, du jour au lendemain ». Pour motiver ce refus, les autorités expliquent qu’il y a alors 1604 bassistes français au chômage. La France ne pourrait tolérer qu’il y en ait un de plus ! Soit, puisque ce pays ne veut plus de lui, il part aux Etats-Unis, à New-York exactement où il vit toujours. « Mais en dépit de cette mésaventure, j’aime toujours autant Paris. J’essaie de venir tous les trois mois, de préférence quand la ville est verte » précise-t-il. Vivent encore ici ses deux sœurs et sa fille « qui chante dans un groupe et rêve d’être musicienne ».
Un artiste engagé
Il se reconnaît volontiers comme un chanteur engagé. Modestement. Rapprocher les cultures par la musique est au cœur de sa démarche et il ne rechigne pas à aider à droite et à gauche. Au Cameroun, il a participé à la construction d’un centre de dépistage du sida. « On ne peut pas critiquer sans cesse, notamment les gouvernements africains, et ne rien faire ensuite. Ce sont les petits gestes individuels qui peuvent faire de grandes choses ». Engagement et passion avant tout.
Il puise son inspiration là où se trouvent les « good vibrations », que ce soit du côté de ses aînés comme Lokua Kanza ou de ses étudiants en musique de New-York qui ne cessent de l’épater. Difficile de définir aujourd’hui son oeuvre, mélange de musiques traditionnelles africaines, de jazz, voire de pop. Il reconnaît ne pas tellement suivre la scène africaine « qui n’existe pas » et cite Lizz Wright comme dernier coup de cœur musical. Coup de cœur justement, Richard Bona pourrait bien l’être pour un public largement conquis par cet artiste attachant et généreux.
Par Franck Pinay-Rabaroust, pour Parisiens du bout du monde