DSK à la tête du FMI : Chronique d’une victoire annoncée


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Dominique Strauss-Kahn présidera pour les cinq prochaines années aux destinées du Fonds monétaire international. Il a été désigné par le conseil d’administration du Fonds ce vendredi.

Le Français Dominique Strauss-Kahn, actuellement au Chili où il a choisi symboliquement d’attendre le verdict, est le nouveau patron du Fonds monétaire international (FMI). Il a été élu directeur général du Fonds ce vendredi à New York par les 24 membres du conseil d’administration de l’institution de Bretton Woods. « C’est pour moi une joie, un honneur et une responsabilité. Je veux remercier Jean-Claude Juncker (le premier ministre luxembourgeois, ndlr), grâce à qui tout a commencé. […]. Fort de la puissante légitimité que me donne le très large soutien dont j’ai bénéficié, notamment dans les pays émergents et les pays à bas revenus, je suis déterminé à engager sans tarder les réformes dont le FMI a besoin », à déclaré Dominique Strauss-Kahn.

Soutenu par l’Union européenne, les Etats-Unis, le Japon, le Canada et les pays émergeants notamment l’Afrique du Sud et le Brésil, sa victoire face au tchèque Joseph Tosovsky, porté par la Russie, était attendue. Mais auparavant, il aura fallu convaincre Nicolas Sarkozy, le président français et les 27 membres de l’Union européenne qui lui accorderont leur soutien dès l’annonce de ses ambitions internationales. Fin juillet, Dominique Strauss-Kahn se rend donc à Washington où il se porte officiellement candidat à la direction du FMI et profite de son séjour américain pour rencontrer l’Espagnol Rodrigo Rato auquel il espère succéder.

Rencontrer et convaincre

Ce n’est alors que le début d’un périple qu’il entamera pour convaincre les pays en voie de développement et les nations émergentes d’appuyer une candidature qu’ils pourraient remettre en question. Elles s’insurgent en effet contre cet usage qui veut que l’Europe désigne le directeur général du FMI et les Etats-Unis, le président de la Banque mondiale. Après Washington, DSK va ainsi à la rencontre de Thabo Mbeki, le chef de l’Etat sud-africain et des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales africaines réunis à Maputo, au Mozambique. DSK sort de ses entretiens rassuré : l’Afrique est derrière lui. Le candidat prend ensuite la direction du Brésil où il est reçu par le président Luiz Inacio Lula da Silva qui lui confirmera plus tard son soutien.

Puis, petite pause estivale et DSK reprend son bâton de pélerin pour une autre tournée qui l’amène en Arabie Saoudite, en Egypte, en Chine, au Japon, en Corée du Sud et en Inde, des voix qui comptent désormais dans le concert des nations. L’opération de charme produira son effet. le prétendant européen est désormais bien armé pour affronter ses futurs employeurs dont le choix, assurent ces derniers, se fondera uniquement sur l’expérience professionnelle et les compétences des candidats. Dominique Strauss-Kahn et Joseph Tosovsky ont été reçus la semaine dernière, après la clôture des candidatures fixée au 31 août dernier.

Nouveau défenseur des pays émergents au sein du FMI

Elu pour cinq ans, Dominique Strauss-Kahn s’attèlera à conduire trois chantiers prioritaires qui répondent aux réformes dont le FMI a besoin de toute urgence pour restaurer sa crédibilité. Tout d’abord, écrivait-il dans une tribune dans le Wall Street Journal, le candidat français souhaite donner un « nouvelle impulsion en faveur du multilatéralisme » afin que « le Fonds développe toute l’expertise nécessaire sur les pays à qui il dispense ses conseils. » Ensuite, afin de « rétablir la pleine légitimité du FMI », l’économiste s’attachera à donner « une voix plus forte au sein de l’institution » aux pays issus du « monde émergent et en voie de développement (qui) ne se sent pas suffisamment inclus dans le Fonds ». Une telle démarche passe, selon DSK, par une « réforme des quotes-parts [[Le FMI reçoit ses ressources de ses pays membres, essentiellement par le biais du paiement de leurs quotes-parts. Elles sont proportionnelles au poids de leurs économies et déterminent celui de leur vote.]]» et « de nouvelles règles de vote au sein du conseil d’administration du Fonds ». Enfin, le nouveau directeur du FMI s’attaquera à l’épineuse question du budget de l’organisation. Il devrait s’appuyer sur les conclusions du rapport Crockett relatif au financement du FMI.

Economiste de formation, Dominique Strauss-Kahn est également un homme politique français de premier plan. Député socialiste – il appartient à l’aile modernisatrice du Parti socialiste français –, il fut ministre de l’Industrie et du Commerce extérieur dans les gouvernements d’Edith Cresson (1991-1992) et Pierre Bérégovoy (1992-1993). Il quitta ensuite quelque temps le gouvernement pour exercer comme avocat d’entreprise avant de retrouver un portefeuille ministériel, celui de l’Économie, des Finances et de l’Industrie (1997 -1999). A son crédit figurent le lancement de l’euro en France et sa contribution à l’Eurogroupe, organisation en charge de la nouvelle monnaie unique.

Polyglotte, DSK a vu le jour en 1949 et a grandi au Maroc. Il est l’époux de la célèbre journaliste française Anne Sinclair qui a renoncé à sa carrière à cause des activités politiques de son compagnon. Le directeur général du FMI est un passionné de technologies de l’information et un amateur d’échec. Après Pierre-Paul Schweitzer (1963-1973), Jacques de Larosière (1978-1987) et Michel Camdessus (1987- 2000), Dominique Strauss-Khan devient le quatrième Français à accéder à la direction du FMI. Il devrait prendre fonction fin octobre et faire la preuve que le socialiste qui’il est – l’un des points sur lesquels il a été le plus critiqué – peut diriger et réformer une organisation comme le FMI.

Ce qu’il faut savoir sur le FMI

Le Fonds monétaire international a vu le jour en juillet 1944, à une conférence des Nations Unies qui s’est tenue à Bretton Woods (New Hampshire, États–Unis) à l’initiative de 45 pays.

  • Ses missions :

     promouvoir la coopération monétaire internationale;

     faciliter l’expansion et la croissance équilibrées du commerce mondial;

     promouvoir la stabilité des changes;

     aider à établir un système multilatéral de paiements;

     mettre ses ressources (moyennant des garanties adéquates) à la disposition des pays confrontés à des difficultés de balance des paiements.

    Outre ses principales missions, le FMI se consacre à la réduction de la pauvreté dans le monde entier, soit de façon indépendante, soit en collaboration avec la Banque mondiale et d’autres institutions. Le FMI accorde une assistance financière par le biais de son mécanisme de prêts concessionnels — la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) et la Facilité de protection contre les chocs exogènes (facilité PCE) — ainsi qu’au moyen d’allégements de dette dans le cadre de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (Initiative PPTE) et l’Initiative d’allégement de la dette multilatérale (IADM). Dans la plupart des pays à faible revenu, cette assistance repose sur les documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP). Préparé par les autorités nationales — en consultation avec la société civile et les partenaires extérieurs pour le développement —, le DSRP présente le cadre global de la politique économique, structurelle et sociale mise en œuvre pour promouvoir la croissance et réduire la pauvreté dans le pays concerné.

  • Quelques chiffres :

    — 185 pays. membres

    — 2.716 employés environ, originaires de 165 pays

    — Total des quotes-parts : 317 milliards de dollars EU (au 31 juillet 2006) répartis parmi les membres

    — Encours des prêts : 28 milliards de dollars américains à 74 pays, dont 6 milliards de dollars à des conditions concessionnelles à 56 pays (au 31 juillet 2006)

Source : FMI

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