
Plus rien ne va entre l’Algérie et ses voisins du sud, regroupés au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES). Après le rappel de leurs ambassadeurs à Alger, dimanche, les trois régimes militaires du Mali, du Niger et du Burkina Faso se sont heurtés à une riposte cinglante : l’Algérie a rappelé ses ambassadeurs en poste, différé la nomination de son représentant au Burkina Faso, et décidé ce lundi la fermeture de son espace aérien au Mali.
Une incursion de trop
Tout a basculé dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025, lorsqu’un drone malien de type Bayraktar TB2, armé et en vol offensif, a été abattu par les forces algériennes de défense aérienne après avoir pénétré l’espace aérien national à Tin Zaouatine, à 1,6 km à l’intérieur du territoire algérien. L’appareil aurait déjà violé l’espace aérien deux fois auparavant, les 27 août et 29 décembre 2024, selon le ministère algérien de la Défense.
Pour Alger, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un acte hostile caractérisé, à la fois par sa trajectoire et par sa répétition. L’État algérien dispose d’enregistrements radar confirmant ces intrusions, ce qui confère à sa riposte un fondement documenté. Dans un contexte régional marqué par une prolifération des armes et des mercenaires, Alger a fait valoir son droit à défendre sa souveraineté.
L’AES joue la provocation
La réaction du Mali et des dirigeants de l’AES ont nié toute violation de l’espace aérien, et en outre ils ont accusé l’Algérie de soutenir des activités terroristes dans le nord du Mali. Une ligne rouge pour Alger, qui a dénoncé des propos « outranciers, mensongers et diffamatoires », émanant d’une « clique putschiste » incapable d’assurer la sécurité de son propre pays et cherchant à désigner un bouc émissaire à ses échecs.
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Les tensions entre l’Algérie et les pays de l’AES sont également alimentées par des divergences politiques et stratégiques. L’Algérie a critiqué l’utilisation par le Mali de mercenaires russes et de drones armés, tandis que Bamako accuse Alger d’ingérence . Ces différends ont conduit à une détérioration des relations diplomatiques, marquée par des rappels d’ambassadeurs et des accusations mutuelles.
Dans un communiqué au ton d’une rare virulence, le ministère algérien des Affaires étrangères a accusé le gouvernement de transition malien d’avoir enfermé son pays dans une spirale de désolation, d’instabilité et de prédation. L’alignement automatique du Niger et du Burkina Faso sur ces accusations maliennes a également été condamné avec fermeté.
Une rupture stratégique
La région frontalière de Tin Zaouatine est depuis longtemps un foyer de tensions, entre trafics, insurrections et opérations militaires. L’utilisation de drones armés turcs par les forces maliennes, parfois à proximité de la frontière algérienne, est perçue comme une menace croissante. La présence de mercenaires russes n’arrange rien : Alger, bien que critique à l’égard de certaines politiques occidentales, ne tolère pas l’externalisation de la guerre à des acteurs privés, souvent incontrôlables.
La fermeture de l’espace aérien algérien au Mali acte un changement de paradigme régional. Elle constitue un frein stratégique aux capacités d’intervention maliennes dans les zones sensibles du nord, et isole un peu plus l’AES de ses voisins.
Quelles issues pour la région ?
Alors que l’AES s’est retirée de la CEDEAO et semble vouloir se constituer en bloc autonome, la question se pose : avec qui dialoguer encore ? Le recours à une médiation régionale paraît aujourd’hui illusoire. En s’enfermant dans une logique de confrontation et en rompant les cadres de coopération sécuritaire, les juntes sahéliennes prennent le risque d’un isolement croissant, au détriment des populations confrontées au terrorisme et à la misère.
L’Algérie, longtemps engagée dans des médiations patientes, semble avoir tourné la page.