La Côte d’Ivoire frappe fort contre les trafiquants de drogue


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Chanvre
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Confrontée à une augmentation des trafics, dans la région du golfe de Guinée, depuis plusieurs années, la Côte d’Ivoire a pris les devants dans sa lutte contre la drogue.

Ces dernières années, la gendarmerie et la police ivoiriennes sont sur tous les fronts et multiplient les succès, aux côtés de leurs partenaires internationaux, dans la lutte contre les trafiquants de drogue.

La lutte contre le petit trafic de rue…

C’est un phénomène TikTok qui a mis la substance au goût du jour : un défi chorégraphique lié à un morceau du groupe 100 Papo dans lequel on entend les paroles “Je veux wôrô mon kadhafi” – comprendre : “Je veux me défoncer au kadhafi”. De quoi parle-t-on ? Baptisé du nom de l’ex-dictateur libyen pour des raisons incertaines, le kadhafi est une drogue issue du tramadol qui, combinée à de l’alcool, affaiblit le corps et entraîne les consommateurs dans un état de somnolence ou d’immobilité.

Face à l’arrivée de cette nouvelle drogue dans les rues ivoiriennes, la gendarmerie et la police nationale ont multiplié leurs interventions et arrestations. Le capitaine Olivier Dosso, chef de district de police d’Abobo, explique que les jeunes sont particulièrement ciblés par les trafiquants : «C’est presque toutes les catégories de jeunes qui consomment cette drogue. Ça peut être des chauffeurs, des conducteurs, les habitants de nos différentes communautés…» Depuis le 11 septembre 2023, l’opération Marée Jaune assure ainsi la sécurité des établissements scolaires, et joue un rôle de filtrage et de dissuasion à l’égard des trafiquants qui cherchent à cibler une clientèle influençable en lui proposant un produit bon marché, entre 500 et 1 000 FCFA le comprimé.

… et contre le grand banditisme international

Pour autant, les autorités ivoiriennes ne se limitent pas à lutter contre les petits criminels de rue. La Côte d’Ivoire s’attaque aussi aux grands trafics internationaux. En mai 2022, le Président Alassane Ouattara avait insisté sur l’importance «du renseignement et la mise à disposition de moyens de mobilité, de surveillance et de contrôle aux frontières terrestres, maritimes et aéroportuaires» pour lutter contre les réseaux de trafiquants, signe que la menace est prise au sérieux. Et pour cause : le Golfe de Guinée fait, en effet, l’objet d’un retour des flux de marchandises illicites, depuis la pandémie de Covid-19, comme l’indique le rapport mondial sur la cocaïne 2023 de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

Ainsi, une vaste opération d’investigation menée par la Direction de la police des stupéfiants et des drogues (DPSD), en juillet 2022, a permis d’interpeller un réseau de criminels étrangers se servant de la côte ivoirienne pour faire transiter de la cocaïne, entre l’Amérique du Sud et l’Europe. Coordonnée avec ses partenaires colombiens et européens, la Côte d’Ivoire a fait tomber plusieurs figures colombiennes, italiennes et espagnoles de ce cartel, et a permis une avancée significative dans la lutte anti-drogue à l’échelle internationale. L’enquête continue alors qu’un des cerveaux du réseau, Bartolo Bruzzaniti, vient d’être arrêté au Liban. Membre d’un groupe de trafiquants surnommé la “Spaghetti Connexion”, il devra répondre de ses crimes en Côte d’Ivoire.

Plaidoyer pour une meilleure collaboration régionale

Si la police ivoirienne a pu mener à bien cette affaire grâce à un travail en bonne intelligence avec ses homologues étrangers, les autorités s’inquiètent de la situation précaire de certains États voisins, où les trafiquants profitent du chaos pour prospérer. Le général Youssouf Kouyaté, administrateur général de la police ivoirienne, avait déjà appelé à un renforcement de la coopération judiciaire entre voisins, lors de la réunion des chefs de police d’Afrique de l’Ouest : «Je voudrais rappeler que la police ivoirienne a démantelé un réseau de trafiquants de drogue, le vendredi 15 avril (2022, ndlr) à Abidjan et San Pedro. Cependant, l’absence de renseignement de bases de données nationales a favorisé la libre circulation de ce récidiviste sur le territoire ivoirien», avait-il avancé.

Avant de poursuivre : «Voici la raison qui nous interpelle tous sur la nécessité de renforcer la coopération policière régionale et internationale. Cette rencontre est d’autant plus importante que la lutte efficace contre la criminalité transnationale organisée ne saurait être possible sans une réelle coopération entre les forces chargées de la lutte et les autorités centrales d’application de la loi».

Pour des résultats qui se pèsent en tonnes

En attendant que la situation se coordonne à l’échelle régionale donc, la Côte d’Ivoire peut se contenter de ses saisies records, signe que les autorités nationales prennent le phénomène au sérieux. En juillet, la gendarmerie a procédé à la destruction de 13 tonnes de stupéfiants pour une valeur de 103 millions de francs CFA à Korhogo. Une opération spectaculaire, mais évidemment aussi médiatique qui vise à sensibiliser l’opinion publique à la lutte contre les stupéfiants. Côté cocaïne, les chiffres sont aussi au rendez-vous : 1,53 tonne en 2011, 2 tonnes en 2022.

Si les opérations de police connaissent un certain succès avec une multiplication des saisies ces dernières semaines, les autorités politiques et sanitaires en appellent aussi au rôle de chacun dans la prévention de la consommation de drogue par les jeunes. Plusieurs projets de sensibilisation se mettent par ailleurs en place, comme celui de l’ONG africaine Conacce Chaplains, qui a entamé la construction d’un centre de désintoxication à Cocody. L’ONG conduit également plusieurs campagnes d’information auprès des jeunes Ivoiriens, pour les alerter sur les dangers sanitaires liés à la consommation de drogue.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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