Drodro panse ses plaies


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Une semaine après les tueries qui auraient fait quelque 300 morts, le village de Drodro et ses environs se remettent difficilement. Le manque de matériel médical le dispute aux interrogations. Comment en est-on arrivé là ? Quelques éléments de réponse.

Inconnu jusqu’alors de la majorité des Congolais, le village de Drodro, dans le district de l’Ituri, au Nord-Est de la République démocratique du Congo (RDC), fait une triste irruption dans l’actualité avec les tueries à grande échelle qui viennent d’endeuiller la région. Bien que le bilan provisoire des victimes ait été revu à la baisse, passant d’un millier de morts à environ 300, cela n’enlève rien à l’horreur de l’événement et au traumatisme des populations.

Une semaine après ces tueries, Drodro et ses environs pansent leurs plaies suite aux massacres interethniques qui ont opposés les tribus Lendu et Hema. Une équipe de la Monuc (Mission de l’Organisation des Nations Unies au Congo), s’est rendue mardi 8 avril 2003 à la paroisse du village encore sous le choc avec un premier lot d’aide sanitaire et alimentaire d’urgence. D’autres organismes humanitaires participent à l’opération, notamment l’Unicef qui a fourni des kits d’urgence, des couvertures, des jerrycans et des bâches.

Auteurs non identifiés

Jeudi 3 avril 2003, un raid commando non encore identifié mais présumé lendu, avait attaqué le village hema de Drodro ainsi que 14 autres localités, faisant près d’un millier de morts selon les premières estimations annoncées par la presse internationale. Un comité d’urgence restreint, composé de responsables locaux se chargera d’identifier les personnes les plus vulnérables, destinataires de l’aide.

Une soixantaine de rescapés sont soignés au petit centre de santé de Drodro où, selon Alphonsine Bedo, gestionnaire de l’hôpital, le personnel médical est complètement débordé :  » Ce n’est qu’un petit centre de santé qui n’a pas été conçu pour gérer des catastrophes de cette ampleur. Certaines victimes, des femmes pour la plupart, ont succombé dans la vallée faute de secours appropriés. Pour l’instant, nous avons réussi à soigner les blessés les plus graves. Nous avons également pu, grâce à l’aide de la Monuc, renouveler les pansements, mais nous manquons drastiquement d’antibiotiques.  »

Syndrome sierra-léonais

Les massacres de Drodro ont eu lieu à la veille du démarrage, le 4 avril 2003, dans la ville de Bunia, de la conférence de pacification de l’Ituri. Le gouvernement congolais a dépêché sur place le ministre des Droits Humains pour constater les faits et tenter d’établir les responsabilités. Après avoir rendu visite aux victimes soignées à l’hôpital de Drodro, M. Ntumba Luaba, dont ce n’était pas la première visite dans la région et dans ces circonstances, a eu un sentiment de désespoir devant tant d’horreurs récurrentes et visiblement sans issue.

 » Nous sommes en train d’assister à un syndrome sierra-léonais où les enfants ne sont pas épargnés, a-t-il déclaré. J’ai des difficultés à comprendre comment des bébés et des enfants en bas âge peuvent être aussi sauvagement pris à partie.  » Le syndrome est plutôt rwandais tant le scénario est similaire. A la manière des affrontements cycliques qui opposent, au Rwanda, tribus tutsi et hutu, les conflits ethniques en Ituri opposent les tribus hema et lendu depuis de nombreuses années. Tout comme les Hutu, agriculteurs, accusent les éleveurs tutsi au Rwanda, les Lendu, agriculteurs, trouvent les éleveurs hema trop envahissants.

Plus de 100 ans d’antagonisme

Les premiers affrontements connus remontent aux premières années 1900. A l’origine revendications foncières, les affrontements ont pris des colorations politiques. Et tout naturellement les Hema, à travers l’UPC (Union des Patriotes du Congo) de Thomas Lubanga, ont signé des accords militaires avec le Rwanda dirigé par les Tutsi. Quant au gouvernement ougandais, il a réussi à instrumentaliser les deux tribus et les utilise selon ses intérêts. Tantôt, il arme les Hema contre les Lendu, tantôt l’inverse. L’essentiel étant, pour lui, de faire régner un climat permanent d’insécurité qui puisse justifier sa présence sur le terrain.

Partie intégrante de la province orientale, le district de l’Ituri est devenu un véritable bourbier sur le plan de sa gestion administrative et politique. Ses ressortissants, près de 4 millions d’âmes, ont, d’une manière générale, toujours revendiqué la création d’une entité

provinciale autonome de Kisangani. Quel qu’en soit le prix. Les troupes ougandaises, dont la présence permanente date de 1997, ont utilisé cette corde sensible pour s’ériger en détenteur d’une solution possible :  » Avec le RDC-ML de Mbusa Nyamwisi, ils ont créé la province de l’Ituri tandis qu’avec l’UPC (Union des Patriotes Congolais) de Thomas Lubanga, ils ont fait miroiter des idées de sécession « , regrette Michel Andropa, journaliste hema.  » Aujourd’hui, se dessine le spectre d’un affrontement armé entre troupes ougandaises et rwandaises sur le territoire de l’Ituri, Thomas Lubanga ayant préféré Kigali à Kampala.  »

Kinshasa accuse

Kinshasa accuse les deux capitales d’avoir délibérément provoqué les derniers affrontements interethniques de Drodro. Des ressortissants hema et lendu habitant Kinshasa sont également du même avis :  » A Kampala comme à Kigali, personne ne veut voir réussir la conférence de pacification de l’Ituri, actuellement en cours à Bunia, expliquent-ils. Ils se sont affrontés, par deux fois à Kisangani, en 2002, pour le diamant, ils sont de nouveau prêts à se tirer

dessus pour l’or et le pétrole de l’Ituri « .

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