Dr Tcham : « L’accès aux soins est une priorité majeure et toute personne devrait y avoir droit sans limitation géographique »


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Dr  Tcham
Dr Tcham

Les questions sanitaires restent un véritable défi pour nombre de pays africains, et les choses ne semblent pas s’arranger avec pandémie du Covid-19. C’est dans ce contexte que Africa-med, après cinq années de travail acharné, a déployé une solution tout à fait atypique : e-SAME. Il s’agit d’une plateforme de télémédecine « tout en un » intégrant : Téléconsultation/ télé expertise/ télé assistance/ télésurveillance avec une régulation médicale. Son but est de rapprocher le médecin de son patient dans sa volonté d’offrir la meilleure expertise médicale à distance.

Entretien exclusif avec le Dr Tcham qui dirige actuellement la société Africa-med.

Afrik.com : Africa-med fournit, depuis 8 ans, des solutions d’assistances médicales aux entreprises et aux particuliers et apporte son expertise dans l’audit et la réorganisation des systèmes sanitaires sous la direction du Dr Tcham. Comment e-SAME est-elle née ? Quels sont les facteurs qui ont suscité une telle initiative ?

Africa-med : e-SAME est né d’un constat flagrant : la difficulté d’accès aux soins de qualité en rapport avec un déséquilibre de la démographie médicale en Afrique. L’objectif initial était de désenclaver les zones à densité médicale faible et de permettre à tout patient d’obtenir un avis médical, quelle que soit sa position géographique.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées lors de la mise en place de cette plateforme ?

Les difficultés, il y en a eu, et elles étaient de plusieurs ordres. Mais deux retiennent fondamentalement mon attention au bout de ce parcours. D’un côté, nous avons eu des difficultés technologique, car nous avons souhaité développer des solutions propriétaires telles que : notre propre système de visioconférence, Notre logiciel intégré de lecture d’imagerie médicale, notre propre système Drive avec archivage et partage des données médicales, notre propre système de télésurveillance ainsi que notre agenda électronique qui s’adapte à tous les fuseaux horaires du monde.

De l’autre, nous nous sommes confrontés à des difficultés d’ordre humain. Nous avons eu de la peine à trouver la ressource humaine qualifiée, car le développement de toutes ces solutions technologiques faisait appel à une expertise très élevée. Parfois, certains problèmes posés ne trouvaient pas de solutions, même en France.

Dans votre communiqué officiel, vous avez annoncé que « e-SAME se déploie officiellement au plus près des populations de 10 pays d’Afrique Centrale et de l’Ouest francophone ». Quels sont ces pays ? Et pourquoi le choix s’est-il porté sur eux ?

Ce choix limité a été porté par le fait que la plateforme est pour le moment francophone et nous avons choisi les pays qui ont déjà amorcé une transformation numérique de leurs systèmes d’informations. Mais notre application a vocation à se déployer dans tous les pays africains car la version anglo-saxonne sera bientôt disponible.

On remarque que l’automédication est une pratique très courante en Afrique. La plateforme encouragerait-elle une nouvelle forme d’automédication ?

L’automédication est une pratique dangereuse et responsable de nombreux décès en Afrique. Nous savons qu’1 médicament sur 10 est falsifié en Afrique. Fort de ce constat, nous avons donné, dans la plateforme, la possibilité aux médecins de prescrire en sécurité des médicaments avec une signature électronique. En clair, le médecin reçoit un code unique par sms sur son téléphone portable à chaque signature d’ordonnance. Le patient, de son côté, a la possibilité de payer ses médicaments en ligne via son mobile money directement dans une pharmacie partenaire et en toute sécurité.

Comment peut-on accéder à la plateforme selon qu’on soit patient ou praticien ?

Le médecin et les patients accèdent, de la même manière, à la plateforme en se connectant sur www.secondavismedical.fr. Puis en cliquant sur la rubrique e-SAME. Le système reconnaît systématiquement le profil de l’utilisateur.

Comment votre cible accueille-t-elle la consultation en ligne. Les gens ne manifestent-ils pas une certaine réticence ? Expliquez-nous comment cela se déroule.

Nous avons lancé e-SAME dans le contexte de la pandémie du Covid-19. Dans le cadre du respect des mesures barrières, nous avons reçu un bon accueil car grâce à l’application, les patients peuvent non seulement prendre leurs rendez-vous médicaux à distance, téléconsulter depuis leurs domiciles, conserver et partager leurs dossiers médicals avec leur médecin, mais aussi bénéficier de la continuité des soins dans le cadre du suivi de leurs pathologies chroniques.

Avez-vous pris les dispositifs sécuritaires idoines pour que le secret médical soit gardé et que les données des utilisateurs soient en sécurité, sachant que quand on parle de numérique, les pirates ne sont jamais bien loin ?

e-SAME est sécurisé par un chiffrement de bout en bout de l’information et les données sont hébergées en France chez un hébergeur des données de santé ayant l’agrément HDS. Et les données sont redondées. Nous garantissons la disponibilité 24h/24 et la sécurité des données de nos utilisateurs.

Pensez-vous, à l’aune de votre expérience, que la télémédecine va finir par remplacer la médecine conventionnelle ?

Non, La télémédecine est un complément de la pratique conventionnelle et elle a vocation à simplifier la pratique médicale. Elle a l’avantage de permettre au praticien, à partir d’un seul centre, de prendre en charge plusieurs patients quelle que soit leur localisation. Par exemple, la plateforme a permis à plusieurs patients en Afrique de bénéficier d’une expertise en France sans voyager.

Le numérique peine à prendre dans toutes les sphères en Afrique à cause des difficultés d’accès aux outils informatiques et à la connectivité. Et dans bien des cas, les couches les plus vulnérables n’y ont pas accès. Comment pensez-vous contourner cela ? En d’autres termes, qu’envisagez-vous pour ces millions de personnes qui n’ont pas accès à Internet ?

L’accès au réseau Internet a énormément évolué en Afrique avec l’arrivée de la fibre optique. Le réseau 3G/4G est de plus en plus performant et accessible. Nos patients téléconsultent depuis leur domicile avec leur Box Internet ou en partageant la connexion de leurs téléphones. On obtient d’excellents résultats quand on a au moins 1 Giga de DATA disponible au moment de la consultation. Pour les patients qui n’ont pas de connexion, nous avons développé un réseau de centres médicaux partenaires qui ont décidé de se doter d’une bonne connexion Internet et ainsi de pouvoir accueillir les patients qui souhaitent bénéficier d’une téléconsultation.

Quels sont les réels avantages de la plateforme pour la population d’une part et pour les médecins d’autres part ?

Pour le patient, e-SAME permet de prendre ses rendez-vous à distance, de conserver en sécurité son dossier médical qui sera accessible 24h/24 et pouvant être partagé avec son médecin, de bénéficier d’une expertise médicale à distance (dans son pays ou à l’étranger) et de ne se déplacer que pour un geste médical physique. La plateforme est dotée d’un comité scientifique composé de plusieurs professeurs de médecine des hôpitaux de Paris et permet ainsi de garantir des avis médicaux de qualité.

Pour le médecin, e-SAME permet de gérer ses rendez-vous et d’augmenter sa patientèle. La plateforme lui permet de suivre ses patients, quelle que soit leur localisation tout en respectant les règles de sécurité et déontologique de la e-santé. Le médecin peut ainsi gérer le dossier médical de ses patients, en sécurité, même depuis son domicile. Il peut téléconsulter en sécurité et établir des ordonnances sécurisées. Pour faciliter la chose, nous fournissons au médecin un logiciel de consultation. Et le médecin peut demander une téléexpertise à un confrère pour ses patients.

Un médecin peut-il inscrire ses patients ? Et quels sont les coûts de vos services dans les deux cas ? D’une part pour les patriciens et de l’autre pour les patients.

Un médecin peut effectivement inscrire lui-même ses patients. Il peut aussi accepter leur invitation et rajouter dans sa patientèle des personnes déjà inscrites sur la plateforme. La plateforme est gratuite pour les patients. Les médecins paient un forfait mensuel pour toutes les fonctionnalités. Nous avons décidé de donner un accès gratuit aux médecins pendant toute la période de la pandémie Covid-19.

Quels sont vos projets après le lancement de la plateforme sur le court et sur le long terme ?

A court terme, nous avons l’intention de développer sur la plateforme un ensemble d’objets connectés afin d’automatiser le recueil des données médicales. Par exemple, nous sommes en train de développer un outil qui permettra au médecin d’écouter les bruits du cœur de son patient distant à travers l’application.

Nous avons aussi l’ambition de connecter les structures sanitaires entre elles, quelle que soit leur localisation, afin d’améliorer la traçabilité du dossier médical et d’optimiser la prise en charge des patients par le partage de l’information médicale entre les professionnels de la santé.

Nous allons très vite connecter les structures sanitaires diagnostic (Laboratoire et centres de radiologie) et thérapeutique (pharmacies) avec les centres de santé afin de constituer un parcours de soins balisés et efficaces.

A long terme, nous souhaitons développer des pôles d’excellences médicaux par le développement de structures sanitaires physiques où exerceront, en parfaite harmonie, des praticiens locaux et la diaspora médicale africaine.

Votre mot de fin

L’accès aux soins est une priorité majeure et toute personne devrait y avoir droit sans limitation géographique. e-SAME apporte une réponse crédible et durable dans le respect de la déontologie médicale en matière de e-SANTE en s’exigeant le respect de la réglementation française. Cette plateforme effective et fonctionnelle aujourd’hui est le fruit d’une collaboration intense entre la diaspora africaine et des acteurs techniques camerounais.

L’Afrique regorge de nombreux talents et e-SAME est la preuve qu’il est possible de développer, en Afrique, des projets ambitieux, sérieux et crédibles avec un impact au-delà des frontières africaines. Le savoir-faire africain gagnerait à être valorisé et peut aussi s’exporter.

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