Douzième sommet de l’Union africaine : énième désillusion ?


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Les dirigeants africains, réunis du 1er au 3 février à Addis Abeba dans le cadre du 12ème sommet de l’Union africaine (UA), ont échoué une nouvelle fois dans leur tentative de trouver un accord sur la mise en place d’un gouvernement de l’union, première étape vers l’ambition ultime de la création des Etats-Unis d’Afrique. L’idée d’un gouvernement de l’union panafricaine n’est pas nouvelle. Lors de la proclamation en 1963 de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), le président ghanéen de l’époque, Nkawe Nkrumah, avait souligné l’importance du gouvernement africain. Pourtant, un demi-siècle passé, le gouvernement n’a toujours pas pu voir le jour et demeure encore une pomme de discorde qui divise le continent. Dans une analyse pertinente, Noël Kodia, essayiste et critique littéraire, nous éclaire sur les raisons qui bloquent l’émergence de l’union africaine et plaide pour la nécessité d’une nouvelle approche basée sur le développement de la coopération économique entre les pays africains à l’image de la construction de l’Union Européenne.

Quand en 2001, l’Unité africaine se transforme en Union africaine, et que la chute du Mur de Berlin depuis une décennie impose la démocratie pluraliste sur le continent, un vent d’espoir y souffle. Les Africains croient que l’heure de la véritable démocratie est arrivée. Conférences nationales, acceptation des partis d’opposition, tout est mis en œuvre pour une alternance au pouvoir, facilitant ainsi le travail de l’UA. Mais bientôt huit ans, celle-ci a du mal à assumer son unité. Et l’absence notoire des chefs d’Etat à son 12ème sommet (20 sur 53) vient, une fois de plus, révéler ses difficultés à s’affirmer en tant qu’entité cohérente. Mais pourquoi cette situation ? Plusieurs raisons et nous citerons quelques exemples.

Le non-respect des Constitutions dans la majorité des pays africains a refroidi l’élan démocratique suscité par le pluralisme politique qui devait mettre fin au pouvoir « répétitif » du système des partis uniques sur fond de dictature et de népotisme. Avec le pluralisme, renaissent les partis d’opposition et les élections pluralistes, gages d’une véritable alternance, celle-ci favorisant la bonne gouvernance. Mais hélas ! L’histoire a rattrapé l’Africain. Le passage des royaumes aux républiques, consécutif à la colonisation et aux indépendances étant trop brusque, les nouveaux Etats sur le continent ont été gérés comme des monarchies. Les rois étant inamovibles, les chefs d’Etat de la nouvelle ère démocratique se sont mis à réviser leur Constitution qui ne leur permettait pas de faire plus de deux mandats au pouvoir. A la tête du pays et aidés par le tribalisme, le favoritisme et le népotisme, plusieurs d’entre eux ont gardé le pouvoir en tripatouillant les élections. Mais devant la colère des peuples désabusés, malgré la révision des Constitutions, ces derniers se sont vus rarement acceptés, d’où des conflits politiques et interethniques avec mort d’hommes comme dernièrement au Kenya et au Zimbabwe.

Devant cette situation, l’UA reste perplexe, ayant mal défini les règles d’une véritable alternance au pouvoir en Afrique. Limiter les mandats au pouvoir, comme il est toujours précisé dans les premiers textes des Constitutions de la majorité des pays, doit être le leitmotiv de l’UA si l’on veut voir le continent écrire une nouvelle histoire, plus agréable que celle d’aujourd’hui. Et en même temps, pour que l’UA, projet démocratique, s’impose sur le continent, l’Afrique doit d’abord réussir son expérience démocratique au niveau de chaque pays.

L’Afrique en général s’est vue imposer des frontières « taillées à la règle et l’équerre » par la Conférence de Berlin qui, de novembre 1884 à février 1885, s’était fixé les règles de l’occupation coloniale. Des peuples ont été séparés malgré eux. Et l’UA doit tenir compte de cette situation pour réfléchir à la véritable unité africaine. Par ailleurs, la libre circulation des Africains sur leur continent devrait être l’un des préalables à la création d’un gouvernement de l’Union africaine dont rêve le colonel Kadhafi. Tant que les Africains se sentiront étrangers dans un autre pays du continent, tant qu’ils auront des difficultés à s’y mouvoir avec imposition de visas, l’UA n’aura pas la chance de s’exprimer valablement comme l’Union européenne le fait maintenant à travers l’Europe en se fondant sur l’abolition des frontières et en développant son économie sur la base d’une monnaie commune.

A défaut d’un élan politique, une volonté économique?

Puisque le politique a du mal à pousser les Etats africains vers le gouvernement de l’UA et la naissance des Etats Unis d’Afrique, pourquoi ne pas commencer par l’instance économique sur laquelle s’est fondée la création de l’Union européenne au sortir de la guerre mondiale ? Comme l’indiquait son préambule, l’UE avait également pour objectifs « la défense des Droits de l’homme ainsi que la coopération pour la reconstruction de l’économie européenne ». Elle a commencé avec la France et l’Allemagne qui seront rejoints l’année suivante par le Benelux. Cette naissance de l’UE devrait servir d’exemple à l’Afrique dont certaines puissances économiques comme l’Afrique du sud, l’Angola, le Nigeria et la Libye pourraient d’abord se regrouper économiquement pour ensuite « tendre la main aux autres ». Un point qui mérite réflexion, plutôt que de se précipiter à la création des Etats Unis d’Afrique sans véritablement soubassement politique et économique alors que nous ne sommes encore qu’au 12ème sommet de l’UA.

La construction européenne a sans doute débuté avec le discours de Churchill en 1946 qui souhaitait la création des Etats Unis d’Europe – un travail délicat confié aux compétences européennes pour arriver, plusieurs décennies après, à la mise en œuvre des « Accords de Schengen » et du « Traité de Maastricht » pour ne citer que ces exemples. L’UA devrait se faire violence en ayant confiance à la compétence de ses économistes exerçant sur place en Afrique et ceux de la diaspora. Ensemble, ces derniers réfléchiraient ainsi sur quelques paramètres qui ont contribué à la réussite de l’UE que nos dirigeants du continent ont voulu prendre comme modèle. Mais ici se pose la question de leur mentalité dans la conception du politique et de l’économie.

Noël Kodia est essayiste et critique littéraire. Publié en collaboration avec Un Monde Libre

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