Ce sont plutôt timides et pour beaucoup voilées que des militantes du net se sont présentées à Yamina Benguigui, ministre déléguée à la Francophonie et aux Français de l’étranger, lors d’un petit déjeuner organisé par le ministère des Affaires étrangères à Paris, ce lundi 4 juin. Au centre de la rencontre, la place de la femme dans les sociétés arabes et leur participation aux récentes révolutions.
Un petit déjeuner politique
La réalisatrice de documentaires et de films Yamina Benguigui a un leitmotiv dans sa vie professionnelle : la défense des droits des femmes dans le monde arabe. Elle-même d’origine algérienne, son histoire l’a menée à être aujourd’hui la ministre d’un gouvernement socialiste français. Une façon peut-être de défendre la cause des femmes sur le terrain : « Aujourd’hui une société arabe ne pourra pas grandir si elle n’a pas ses femmes à ses côtés dans l’émancipation du pays. A travers ce ministère je voudrais apporter ma petite pierre à l’édifice. »
Recevoir des blogueuses militantes en visite à Paris comme Nazeeha Saeed, battue durant un interrogatoire au Bahreïn, l’Egyptienne Samira Ibrahim qui a été contrainte par la police de faire un « test de virginité » suite aux manifestations de mars 2011 ou encore le Tunisienne Hajer Ben Cheikh Ahmed-Dellagi qui vient de démissionner de la commission d’enquête sur les violences commises pendant la Révolution, n’a donc rien de contradictoire au vu de l’histoire de Yamina Benguigui. Bien sûr, les capacités d’action de son ministère semblent limitées à des collaborations avec des ONGs implantées sur place dans les pays arabes mais elle en a fait un cheval de bataille : « Il faut que nous aussi on fasse notre travail, comme les ONGs, la Ligue des Droits de l’Homme par exemple, on doit regarder la place de ces femmes qui ont été humiliées, abîmées, frappées et qui sont aujourd’hui représentées par ces blogueuses. »
Elle ajoute cette fois sans hésitation : « C’est important pour moi de rencontrer ces blogueuses journalistes du monde arabe car aujourd’hui les femmes du monde arabe, depuis les Révolutions du Printemps, sont dans une situation dramatique. Elles ont subi des violences morales, physiques, que ce soit au Bahreïn, au Yemen, en Egypte ou en Tunisie. C’est une vraie entorse aux droits de l’Homme. Ces blogueuses étaient ravies de me rencontrer car elles savaient que j’avais beaucoup travaillé sur ces questions là dans mes films. Femmes d’islam par exemple (…). Quel que soit le pays, quel que soient leurs divergences, leurs croyances, il y a quelque chose qui revient, c’est que les partis islamistes sont maintenant pratiquement partout et ils ont un objectif commun : faire régresser le peu de droits que les femmes avaient. »
Femmes, journalistes, blogueuses, musulmanes, révolutionnaires
Le petit déjeuner avec la ministre aura duré une heure. A huit-clos. Les blogueuses nous expliquent qu’elles ont surtout échangé leurs expériences sur la place de la femme dans le monde arabe et durant les révolutions du Printemps arabe. En substance c’est bien évidemment la liberté d’expression, et plus encore la liberté de s’exprimer en étant des femmes indépendantes qui est en jeu. L’invitée du quai d’Orsay, la Marocaine Sanaa El Aji peut en témoigner. Son article « Comment les Marocains rient de la religion, du sexe et de la politique ? » avait scandalisé et elle avait écopé d’une condamnation à trois ans de prison avec sursis.
La jeune blogueuse de vingt-cinq ans, Samira Ibrahim insiste sur le rôle que peut jouer la France : « Ce que l’on attend de la France c’est exercer des pressions sur les islamistes pour qu’ils respectent davantage les droits de l’Homme et plus particulièrement les droits des femmes. »
Ces blogueuses resteront une semaine à Paris. Le but étant de rencontrer des personnalités politiques et du monde de la presse pour nouer des liens et sensibiliser des leaders d’opinion aux situations politiques de leur pays respectif. Aussi les sensibiliser à l’importance des femmes journalistes et plus généralement des femmes indépendantes dans les pays arabo-musulmans.