Douk Saga, décédé le 12 octobre au Burkina Faso, sera mis en terre ce dimanche au cimetière de Williamsville (Abidjan). La douleur des fans est toujours aussi vive et ils devraient être nombreux à l’accompagner à sa dernière demeure. Quel souvenir laissera le créateur du coupé-décalé dans l’esprit de ceux qui l’ont côtoyé ? John Dossavi, Claudy Siar, Robert Brazza, Jean-Jacques Kouamé, Le Molaré, Gadji Céli… Afrik a recueilli leurs impressions.
Avec Franck Salin
Derniers adieux à Douk Saga. Le créateur du coupé-décalé sera enterré dimanche à 11h au cimetière de Williamsville (Abidjan), selon Gadji Céli, président du comité d’organisation des obsèques. L’artiste Stéphane Doukouré, décédé le 12 octobre au Burkina Faso, devait au départ être mis en terre peu après l’arrivée de son corps en Côte d’Ivoire. Mais l’Union nationale des artistes de Côte d’Ivoire (Unartci) a convaincu les proches du disparu de repousser la date pour rendre « un vibrant hommage » au disparu. « Douk Saga appartient d’abord à sa famille, mais, comme c’est un homme public, il appartient aussi aux artistes, à ses amis et à tous ceux qui l’aimaient », justifie Gadji Céli, également président de l’Unartci. Jeudi, plusieurs artistes ont participé à une émission de télévision destinée rendre hommage au maître de la Sagacité. Un Téléthon a même été mis en place pour collecter des fonds « pour sa femme et son fils, les obsèques du comédien Ayatollah, décédé environ une semaine avant Douk Saga, et les artistes malades », poursuit l’ancien footballeur. Alors que des journalistes de la sous-région arrivent pour couvrir les funérailles, certains dénoncent l’hypocrisie de ceux qui encensent un être qu’ils critiquaient de son vivant. Cependant, beaucoup gardent l’image d’un homme plein de vie et joyeux.
John Dossavi, animateur sur la radio Fréquence Paris Plurielle
« L’image qu’il donnait n’avait rien à voir avec la vraie. »
« Le Douk Saga que j’ai connu ne fumait pas, ne buvait pas d’alcool. L’image qu’il donnait de lui à l’extérieur n’avait rien à voir avec la vraie, celle qui transparaissait dans l’intimité. Je garde le souvenir d’un garçon sain, très poli, très calme, avec qui j’ai partagé 15 jours dans une villa au Tchad, en 2005, où il avait chanté en live. De par l’accueil que lui ont réservé les Tchadiens, j’ai constaté que c’était un garçon qui avait une grande aura. Il a été accueilli comme un vrai chef d’Etat ! C’est un garçon qui ne savait pas chanter et qui a réussi à donner de la joie en réussissant, comme il le disait lui-même, à « faire le malin ». En constatant l’ampleur de sa notoriété à Abidjan, j’ai vu sa force. »
Claudy Siar, animateur-producteur sur Radio France Internationale
« Il y avait un truc entre nous, une admiration réciproque. »
« C’était quelqu’un de très sympathique. Lorsqu’on se voyait, il y avait un truc entre nous, une admiration réciproque. Pour moi, Douk Saga restera un phénomène et un mystère. Car voilà quelqu’un qui au départ n’appartient pas au monde de la musique et donne un esprit et une image à un mouvement musical. En quelques mois, il en fait l’un des mouvements principaux de la musique africaine ! Il avait quelque chose en lui qui a réussi à transcender les logiques de marketing. Douk Saga a vécu dans l’excès. Il disait lui même mener » la haute vie » : voitures de luxe, cigares, vêtements de grandes marques… Il est mort à 33 ans et un 12 octobre. Ce n’est pas anodin. Trente-trois ans est un âge symbolique pour les chrétiens, le signe qu’il n’était pas un être normal. De plus, le 12 octobre correspond à l’anniversaire de la mort de Franco, en 1984, l’un des plus grands artistes africains. Donc tout cela contribue à donner du relief à l’image de Douk Saga. Il est parti comme il a vécu. Avec panache. Tout est réuni pour qu’il rentre dans la légende des artistes pop afro. »
Robert Brazza, animateur de radio sur Africa N°1
« Même si Douk Saga est parti, le show continue. »
« Je connaissais Douk Saga avant qu’il ne chante. Il me laisse le souvenir de quelqu’un d’extrêmement joyeux et très positif. D’autant que ce fameux mouvement « Sagacité » a atteint son apogée au moment où la Côte d’Ivoire vivait les pires moments de son histoire. Douk Saga était un gars extrêmement drôle, qui vous faisait rire en toute circonstance. Il aimait être entouré des gens et, avec lui, c’était une fête permanente. C’est ça qui est dur à avaler avec son décès : il y a une opposition entre sa joie de vivre et son décès. L’une des images qui me vient quand je pense à lui, c’est celle où je l’ai croisé dans le quartier des Deux Plateaux (Abidjan, ndlr). Il avait une voiture immatriculée à son nom, un téléphone à chaque oreille et il était en triple appel en train de crier parce que quelqu’un n’était pas là pour faire la fête. Ce qui lui est arrivé est très triste, surtout à cet âge. Mais je me dit que, même si Douk Saga est parti, le show continue. Et ça c’est très fort. »
Jean-Jacques Kouamé, « ami et frère » de Douk Saga
« Douk Saga restera président à vie. »
« On est toujours sous le choc. C’est très pénible d’avoir perdu un proche qui a apporté beaucoup à la Côte d’Ivoire. Plus qu’un ami, c’était un frère. J’ai tellement de souvenirs avec lui… Il était très communicatif, il avait la main sur le coeur et c’était un grand conseiller. Les gens ont proclamé « Jean-Jacques Kouamé président ! » après son décès, mais il n’y a pas de gouvernement dans notre mouvement. Ce sont les journalistes qui ont parlé de président, de premier ministre… Douk Saga était président à titre honorifique, mais pour moi il restera président à vie. Nous voulons propulser son mouvement pour qu’il se pérennise, l’exporter en Occident. »
Le Molaré, autre figure du coupé-décalé
« Il savait apaiser les choses au moment opportun. »
« On a voyagé à travers plusieurs pays de la sous-région, mais aussi en Belgique, en
Angleterre… pour faire connaître le coupé-décalé. On a partagé tellement de choses que je ne peux pas vraiment en citer une en particulier. J’ai le souvenir de quelqu’un qui aimait la vie, apporter la joie autour de lui. Il était très communicatif. Il adorait rigoler. Il aimait véritablement ça. Comme tous les amis, on se disputait, mais on ne pouvait pas se fâcher longtemps car il savait apaiser les choses au moment opportun. C’est dur pour nous, mais on essaye d’assumer pour pérenniser le mouvement. »
Gadji Céli, président de l’Union nationale des artistes de Côte d’Ivoire et du comité d’organisation des obsèques
« Il avait envie qu’on le voit et qu’on l’entende. »
« C’était un jeune homme plein de vie. Il avait envie qu’on le voie et qu’on l’entende. Il voulait mettre de la joie partout où il se trouvait. Il a dit une fois qu’il était le héros national, et moi je pense qu’il l’est parce qu’il a marqué toute une nation par ses actes. Pendant que la Côte d’Ivoire traversait une crise, il a créé un mouvement et on ne retient que ça : le coupé-décalé qui traverse les frontières. Il a apporté à la jeunesse quelque chose qui a permis de la « déstresser » et de lui faire oublier un peu les problèmes politiques. Que son âme et son corps reposent en paix. Il reste le président quoi qu’il arrive. Il a dit qu’il était le sommet de l’Himalaya, qu’il le soit pour l’éternité ! »
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