Douglas Quintero, directeur national du Comité de Défense des Droits du Peuple Afroéquatorien parle de la nécessité pour les afroéquatoriens de connaître leurs droits plus en profondeur et de travailler ensemble pour les défendre.
Pour quelle raison avez- vous décidé de former les citoyens afroéquatoriens sur leurs droits ?
Un des problèmes que tous les équatoriens, et pas seulement les afrodescendants, partagent est celui de la méconnaissance de leurs droits. Il s’agit du bouillon de culture pour que les gouvernants, à leur tour fassent table rase du peu qu’il reste à cette nation. Comme l’État ne nous protège pas, nous avons vu en cela la nécessité de générer ces processus organisationnels de telle sorte que les gens comprennent que la seule manière de faire valoir leurs droits c’est de les connaître. Tout cela est fait, évidemment en tenant compte de la chance que nous avons de faire partie du Comité de Défense du Peuple et des contacts que nous avons avec la Fondation Esquel.
Les droits des citoyens afrodescendants sont-ils souvent violés?
En permanence.
Dans quels espaces?
Dans tous les espaces, car le racisme est structurel. C’est-à-dire qu’il part des instances de l’État.
Le 9 décembre nous étions présents à un forum de politique publique et on m’a raconté que deux frères afrodescendants, des avocats, avaient été torturés, leur honneur et leur dignité avaient été terni par des membres de la Police Nationale, simplement parce qu’ils étaient allés chercher un client au Pénitencier un samedi. Ils ont été mis en prison pendant trois jours sans aucune autre forme de procès. Si cela leur est arrivé à eux qui sont des avocats, on peut imaginer l’ampleur de ce qui peut arriver aux gens de nos communautés. Les droits économiques, sociaux et culturels sont violés. L’accès à la santé n’existe pas, la biodiversité n’est pas respectée, l’accès au travail est impossible.
De quelle manière la discrimination affecte-t-elle ?
La discrimination fait très mal. J’ai été victime de discrimination raciale. Mes enfants ressentent les préjugés de la discrimination. Tant que l’Équateur continuera de penser que la différence de couleur représente la différence humaine, nous resterons véritablement perdus dans l’espace.
Et que doit on faire pour nous débarrasser de cette tare?
Par la connaissance. Je pense que l’un des éléments qui pourrait palier à la révolte intérieure que les afroéquatoriens ressentent face à la discrimination raciale c’est le savoir contre l’ignorance de ceux qui ne savent pas qui nous sommes fondamentalement, car ils ne se connaissent et ne se trouvent pas eux-mêmes. Les stéréotypes doivent disparaître de notre histoire.
Il y a deux années, dans le journal Extra on avait publié deux nouvelles : l’une faisait référence à un individu qui avait violé une fillette à Quito et l’autre à un noir qui avait violé une femme âgée. Les deux sont des délits aberrants, mais la différence est que dans le premier cas, il s’agissait d’un individu et dans le second, il s’agissait d’un noir.
Par conséquent, une femme qui lit cette nouvelle voit automatiquement en un noir un violeur, tandis qu’elle peut être avec l’individu qui a violé une fillette, mais qui restera toujours un individu.
Et comment servent ces ateliers dans ce cadre lamentable de racisme et d’exclusion?
Ils servent de moyen d’exigibilité de droits. Ce projet, au-delà de former les comités d’action communautaire forme des capacités. L’atelier prévoit de former 40 personnes et chacune d’elle formera à son tour un groupe de dix autres personnes. Nous aurons ainsi 400 membres dans le groupe de défense des droits humains.
Quelles droits promeuvent-ils ?
Premièrement, nous souhaitons combattre les préjugés raciaux. Deuxièmement, nous voulons mettre beaucoup d’emphase sur les droits collectifs, c’est pour cela que nous allons utiliser une consultation populaire comme bannière pour la lutte pour éviter que, en cas de réforme de la Constitution, les ennemis du peuple abrogent les articles 83, 84 et 85. Et troisièmement, les droits économiques, sociaux et culturels – qui sont étrangers pour le peuple afroéquatorien. Ces trois principes, dans le cadre de l’universalité des droits humains vont marquer l’exercice de ces promoteurs avec le dynamisme que Esquel donne à ce projet.
Les personnes prenant part à l’atelier seront-elles capables de tout cela?
C’est au moins cette aspiration que nous avons. Nous sommes en train de faire un suivi de leur travail, il y en a qui ont leur comité d’action communautaire, nous allons renforcer ce comité, lui donner une existence juridique et chercher les ressources pour équiper leurs bureaux et facilite leur travail.