Une loi protège, une loi prévient, mais lorsqu’une loi devient un outil légal de racket, doit-on s’y soumettre ? Cette dérive de la loi est devenue fréquente et cela dans le monde entier.
Dans son article, Martin Van Staden, à travers l’exemple de l’Afrique du Sud, explique comment le gouvernement a introduit une taxe pour soutenir la télévision publique déficitaire. Le pire est que celui qui refuse de s’y soumettre risque une grosse amende et même la prison ! Ce genre de loi qui soutient la médiocrité avec une forme de racket légal ramène à la question de la désobéissance civile ! Doit-on obéir à une loi injuste et immorale ? Le faire peut conduire malheureusement à la prison..
La loi est censée remplir principalement deux fonctions importantes dans la société: la protection des personnes et des biens, et la prévention des conflits. Lorsque la loi dépasse ces fonctions, elle devient une source de conflit, comme nous l’avons vu à travers l’histoire, en particulier dans l’histoire sud-africaine contemporaine. Aujourd’hui, la loi est instrumentalisée au service de nombreuses causes extra-légales: comme par exemple maintenir à tout prix des entreprises publiques défaillantes telles que la South African Broadcasting Corporation (Société nationale de radiodiffusion et télévision, SABC). Toutes ces déviations compromettent l’État de droit.
Licence ou escroquerie?
L’article 27 de la Loi sur la radiodiffusion comporte une disposition qui indique que vous devez posséder une licence pour votre téléviseur et que, dans le cas contraire vous pouvez être condamné à une amende. Ainsi, de manière implicite, si vous tentez de vous soustraire au paiement, vous risquez l’emprisonnement. Les fonds captés autour de cette licence de télévision sont censés servir à renflouer les caisses de la SABC en difficulté. Cette disposition présentée comme allant dans le sens du bien commun enserre tous les Sud Africains dans les griffes de la taxation qu’il aient un téléviseur ou pas, qu’il apprécient la SABC ou pas.
De la légalité à la légitimité
Le professeur Trevor Allan, de Cambridge, écrit que « L’autorité et la validité de la loi sont doivent faire l’objet d’un débat entre citoyens, chacun conservant le droit, sinon le devoir, de refuser la reconnaissance de règles et de mesures qui ne lui imposent pas l’assentiment moral ».
Avec la « capture » de l’État par des dirigeants rentiers et une économie en perte de vitesse, la loi exigeant que les Sud-Africains donnent de l’argent pour maintenir la SABC déficitaire n’est pas une revendication morale ou légitime qui répondrait aux impératifs de l’État de droit. La Section 1 (c) de la Constitution, selon laquelle « la Constitution et la primauté du droit sont suprêmes en Afrique du Sud », est gravement violée lorsque le Parlement autorise un régime de licence de télévision pour soutenir une entreprise inefficace, en particulier quand les Sud-Africains sont soumis à de lourdes sanctions en cas de non paiement de ces licences aberrantes.
Allan Trevor poursuit en déclarant que l’État de droit «est interprété, le plus comme un idéal de consentement aux lois de la part de ceux qui sont tenus d’y obéir». Ainsi, pour Allan, le respect de la loi doit être pondéré et mis en balance avec d’autres préoccupations morales contraires, qui pourraient conduire à la désobéissance civile. Ainsi, selon lui, l’État de droit n’exige pas que les citoyens se soumettent aveuglement à l’égard de la loi, mais exige plutôt que les citoyens évaluent les exigences du gouvernement et leur caractère moral. En effet, l’État de droit « est un idéal où tout citoyen doit se conformer à des règles fondées sur une conviction consciente. Ainsi, la loi – créant de véritables obligations – ne peut être reconnue que lorsque elle est considérée comme moralement contraignantes. »
L’État de droit en danger
Partant de ce principe fort, le gouvernement met en danger l’État de droit lorsqu’il oblige les citoyens à choisir entre suivre leur conscience en refusant de jeter leur argent durement gagné dans le gouffre du renflouement des entreprises publiques, ou être puni pour avoir enfreint la loi. L’obéissance à la loi et l’obéissance à la conscience, dans l’idéal, ne devraient jamais se contredire. «Le dissident refusant de se soumettre à une obligation de l’État doit, en contrepartie, se soumettre à une coercition dont il nie la légitimité.» La cohésion sociale et, à terme, la démocratie, sont menacées lorsque les citoyens commencent à considérer la loi comme antithétique à leurs convictions.
L’idée selon laquelle tout problème peut être résolu en imposant une loi constitue une attaque directe à la légitimité de la loi. Si le gouvernement veut que la SABC survive en dehors du marché, il doit solliciter la générosité des Sud-Africains pour faire des dons. Les forcer, sous la menace d’une amende ou d’un emprisonnement à payer, est une atteinte ignoble de la démocratie constitutionnelle et à la liberté.
Afin de protéger l’intégrité de la loi, l’article 27 de la Loi sur la radiodiffusion et les dispositions similaires d’autres lois devraient être abrogés. Il est urgent de rétablir la dignité de la loi, et cela ne peut être fait que si la loi est utilisée pour protéger des personnes et des biens et non comme un instrument de facilité entre les mains d’une classe politique opportuniste.
Martin Van Staden, analyste pour The Free Market Foundation.