La prétendue victoire d’Ismaël Omar Guelleh à l’élection présidentielle du 8 avril 2016 avec un score de 86,68 % ne trompe pas le monde démocratique. Barack Obama, le Président de la plus grande puissance du monde, et François Hollande n’ont toujours pas adressé de lettre de félicitation, plus d’une semaine après.
A Djibouti, depuis le lendemain de l’élection du 8 avril, le courrier présidentiel est scruté en vain ! On y trouve peu de lettres de félicitations au Président Guelleh qui cumule à ce jour 17 ans de pouvoir présidentiel qui viennent compléter 22 ans de pouvoir sur les services de police et de sécurité en sa qualité de chef de cabinet du Président Hassan Gouled depuis 1977.
Cette absence de légitimité internationale laissera des traces dans les relations avec les deux principaux pays possédant les deux plus grandes bases militaires installées localement. Etats-Unis et France n’ont pas souhaité féliciter le candidat Guelleh dès lors que ce dernier a non seulement modifié sa Constitution pour pouvoir se présenter une 4e fois, mais a aussi rejeté l’offre de l’Union Européenne de dépêcher une mission d’experts pour superviser le processus électoral, sans compter l’expulsion d’une équipe de la BBC.
Comment soutenir une élection qualifiée, dans les Conclusions préliminaires du 11 avril de la Mission d’observation de l’Union Africaine (UA), de refuser la « remise des procès verbaux aux délégués des candidats après signature » et « l’affichage des résultats devant chaque bureau de vote » ?
L’UA a noté aussi que « dans certains bureaux de vote visités, les agents électoraux violaient systématiquement les procédures de dépouillement telles que prévues par la Loi. Le procès verbal n’a pas été rédigé ni signé par les membres des bureaux de vote ».
La mission de l’UA a noté une irrégularité singulière à Obock où « le dépouillement a eu lieu au domicile du préfet ». Dans les bureaux de vote visités, « les observateurs de l’UA ont noté la présence des délégués des candidats à l’exception des deux candidats de l’opposition ».
Quant à l’Union Européenne, le Quai d’Orsay ou le département d’État américain, ils ont choisi d’adresser des correspondances à Djibouti qui sonnent pratiquement comme des injonctions.
Le département d’Etat « encourage le gouvernement de Djibouti à promouvoir la liberté de réunion pacifique, d’association et d’expression pour tous les citoyens djiboutiens » et « prend note des recommandations formulées par l’Union Africaine d’améliorer à l’avenir le processus électoral ».
L’Union Européenne « appelle les autorités à garantir la transparence du processus électoral » et « note avec intérêt (…) les recommandations contenues dans le rapport préliminaire de la Mission d’observation électorale de l’Union Africaine ».
Enfin, le Quai d’Orsay a noyé le point sur Djibouti dans un point de presse sur trois pays en appelant « les instances électorales à consolider les résultats dans la transparence et à l’abri des pressions et à tenir compte des recommandations émises par les missions d’observation ».
De surcroît, les élections djiboutiennes se sont déroulées sur le temps d’une opération de grève de la faim observée à Paris par dix femmes djiboutiennes en lutte contre l’impunité des viols perpétrés par les soldats de leur pays.
Ces femmes ont été entendues par l’ambassadrice des droits de l’Homme du ministère des Affaires étrangères français et ont reçu le soutien de plusieurs députées européennes approchées par Femmes solidaires.
Il ne sera pas aisé dans ces conditions pour un pays démocratique comme la France ou les Etats-Unis de féliciter Guelleh pour un énième forfait perpétré contre les droits de ses propres citoyens.
Par Maki Houmedgaba