Disparitions forcées en Guinée : les militaires sous pression pour enquêter sur le sort de deux militants


Lecture 5 min.
Manifestations en Guinée
Des manifestations en Guinée

Les disparitions inexpliquées de deux militants pro-démocratie en Guinée, Oumar Sylla, connu sous le nom de Foniké Menguè, et Mamadou Billo Bah, continuent de susciter une vive inquiétude. Ces disparitions, survenues il y a plus de sept semaines, n’ont fait l’objet d’aucune enquête officielle, malgré les appels pressants d’Amnesty International et de 17 organisations guinéennes de défense des droits humains. En cette Journée internationale des victimes de disparition forcée, les appels à une enquête impartiale et transparente se multiplient.

Oumar Sylla, coordonnateur national du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), et Mamadou Billo Bah, responsable des antennes et de la mobilisation du mouvement, ont été arrêtés à leur domicile à Conakry le 9 juillet dernier. Depuis cette date, leur sort demeure inconnu, exacerbant les tensions dans un contexte déjà tendu marqué par une répression croissante des dissidences en Guinée.

Le 12 juillet dernier, plusieurs organisations de la société civile sénégalaise avaient déjà tiré la sonnette d’alarme suite à l’arrestation des deux figures majeures du FNDC. Selon un communiqué conjoint publié par des organisations telles qu’Afrikajom Center, AfricTivistes et Amnesty Sénégal, Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah auraient été détenus dans un camp militaire sur l’île de Kassa, dans des conditions qualifiées d’illégales. Elles exprimaient alors leur profonde inquiétude quant aux risques de traitements inhumains et dégradants auxquels les militants pourraient être soumis. Malgré ces avertissements, ni les avocats ni les familles des deux hommes n’ont pu obtenir d’informations sur leur lieu de détention ou les motifs de leur arrestation. En outre, aucune mesure n’a été prise par les autorités guinéennes pour répondre à ces interrogations.

Des violations inacceptables des Droits de l’Homme

Selon des témoignages recueillis par Amnesty International, les deux militants auraient été emmenés par les forces de sécurité, en compagnie d’un autre militant, Mohamed Cissé, qui a été relâché le lendemain. Ce dernier a révélé avoir été détenu sur l’île de Kassa, où il aurait subi des actes de torture de la part de membres des forces spéciales guinéennes. Ces allégations graves, qui incluent des passages à tabac et des interrogatoires violents, n’ont à ce jour donné lieu à aucune réaction officielle des autorités.

Les organisations de défense des droits humains appellent à ce que toute la lumière soit faite sur ces disparitions forcées, dénonçant les actes de torture présumés et d’autres formes de mauvais traitements. « Il est impératif que les autorités guinéennes entreprennent une enquête rigoureuse et que ses conclusions soient rendues publiques », ont-elles déclaré dans un communiqué commun. Elles insistent sur la nécessité de traduire en justice les responsables de ces violations dans le cadre de procès équitables.

La Guinée est appelée à respecter ses engagements. Les disparitions forcées étant reconnues comme des crimes de droit international, les organisations plaident pour que la Guinée ratifie sans réserve la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, suivant ainsi l’exemple d’autres États d’Afrique de l’Ouest et centrale.

Un silence officiel inquiétant

Malgré l’indignation et les appels à l’action, les autorités guinéennes continuent de garder le silence. Un communiqué du parquet général de la Cour d’appel de Conakry publié le 17 juillet avait indiqué que les militants n’avaient pas été arrêtés par les autorités et ne se trouvaient dans aucun établissement pénitentiaire du pays. Depuis lors, aucune autre communication officielle n’a été faite, laissant les familles des militants et la communauté internationale dans l’incertitude la plus totale.

Halimatou Camara, avocate des deux militants disparus, a qualifié ces disparitions de « révoltantes« , affirmant que « les autorités ne sauraient se soustraire à leur responsabilité de mener une enquête sérieuse sur ce qui pourrait constituer un crime de droit international en cours dans notre pays. »

Un contexte de répression accrue

Les arrestations d’Oumar Sylla et de Mamadou Billo Bah s’inscrivent dans un climat de répression accrue en Guinée. Depuis la prise de pouvoir par le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) en 2021, les voix critiques font face à une répression systématique. Cette répression s’est traduite par la suspension de médias, des restrictions sur l’accès à Internet, et une répression brutale des manifestations, ayant entraîné la mort d’au moins 47 personnes entre septembre 2021 et avril 2024, selon un rapport d’Amnesty International.

Oumar Sylla, figure de proue du FNDC, est un critique acharné des autorités militaires de transition, militant pour un retour à un régime civil. Le jour de son arrestation, il avait appelé sur les réseaux sociaux à manifester contre la fermeture des médias et la détérioration des conditions de vie en Guinée, des positions qui lui avaient déjà valu plusieurs arrestations arbitraires par le passé.

Alors que la situation en Guinée continue de se détériorer, les organisations de défense des droits humains, tant nationales qu’internationales, restent vigilantes, exigeant des réponses claires et des actions concrètes pour mettre fin aux disparitions forcées et aux autres violations graves des droits humains.

Logo Afrik.com
La rédaction d'Afrik, ce sont des articles qui sont parfois fait à plusieurs mains et ne sont donc pas signées par les journalistes
Facebook Instagram
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News