En un an d’exercice, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité a reçu 2 000 plaintes et en a traité 800. Des résultats encourageants, pour son président, Louis Schweitzer, mais insuffisants pour Jean-Pierre Dubois et Mouloud Aounit, patrons de la Ligue des droits de l’homme et du Mrap et membres du comité consultatif de l’organisme public. Les deux hommes regrettent l’absence de moyens et de volonté de la part des autorités.
La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) a un an. Le temps de recevoir 2 000 plaintes de la part de particuliers, pour l’essentiel, mais aussi d’associations et organisations, et d’en traiter 800, a indiqué mardi son président, Louis Schweitzer, lors de la présentation du premier rapport de l’organisme. Sans surprise, parmi les 17 critères de discrimination prohibés par la loi et qu’il revient à la Halde de traiter, celui sur l’origine a été le plus fréquemment évoqué (39,6%), loin devant le handicap (13,9) et le sexe (6,2%). L’écrasante majorité (45%) des réclamations correspond à une discrimination vécue dans la sphère de l’emploi.
La Halde est une autorité administrative qui a été créée par la loi du 30 décembre 2004 afin que toute personne victime de discrimination dispose d’un recours et ne soit pas « poussée vers la violence ou la résignation », selon Louis Schweitzer. La loi oblige toute personne à coopérer à ses investigations, sous peine de transfert du dossier au juge des référés. Elle organise des médiations et formule des recommandations, comme celles concernant « le droit de vote des artisans étrangers aux élections des chambres de métiers » ou « le statut des médecins à diplôme extracommunautaire », et qui apparaissent dans le rapport 2005. La loi sur l’égalité des chances, promulguée le 31 mars dernier, consacre une reconnaissance légale à la pratique du testing (vérification à l’improviste pour contrôler les éventuelles pratiques discriminatoires).
« Les juges vont-ils s’y mettre ? »
En 2004, un collectif d’associations, parmi lesquelles le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples ) ou encore l’Association des Paralysés de France (APF), s’est ému, notamment, de l’absence de représentativité du collège de la Halde et de son insuffisance de moyens financiers et humains. La Ligue des droits de l’homme en était. Pourtant, aujourd’hui, comme le Mrap, l’association a accepté de siéger dans le comité consultatif, constitué d’acteurs de la société civile. « Nous ne voulions pas pratiquer la politique de la chaise vide », explique Jean-Pierre Dubois, son président, qui précise avoir toujours réclamé aux gouvernants la création de cette autorité.
Comme pour expliquer son manque de visibilité, le rapport met en avant « la notoriété naissante » de la Halde. Mais avec 10 millions d’euros pour l’exercice 2005, « les moyens financiers sont toujours insuffisants » et ne permettent pas une communication conséquente », estime Jean-Pierre Dubois. En terme de résultats, « globalement, c’est difficile à dire. Ce qui a été réalisé n’a pas été mal fait. Mais c’est dérisoire par rapport aux véritables enjeux. La vraie question est : les juges vont-ils s’y mettre ? ». Mouloud Aounit est encore plus critique. Comme Jean-Pierre Dubois, le secrétaire général du Mrap indique qu’il est un « partisan de la Halde » et qu’il a « déploré » que la gauche ne l’ai pas mise sur pied en son temps. Mais après un an d’activité, « sur 2 000 demandes, seules 50 ont été envoyées sur le terrain judiciaire, se plaint-il. Ce qui est bien insuffisant car il faut casser la dynamique d’impunité. Aujourd’hui, nous avons une législation adaptée. Le problème réside dans son application et dans la volonté politique. »
Petits arrangements entre amis
Or, l’organisme favorise la médiation et son président a indiqué mardi qu’il privilégiait « la prévention au processus judiciaire ». Et la législation va dans ce sens. Comme le rappelle Jean-Pierre Dubois, la loi sur l’égalité des chances institue un système de sanctions transactionnelles qui permet à la Halde, « lorsqu’elle constate des faits constitutifs d’une discrimination » qui n’ont pas « donné lieu à la mise en mouvement de l’action publique », de proposer à l’auteur de verser une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros, s’il s’agit d’une personne physique, et 15 000 s’il s’agit d’une personne morale. « Au pénal, la sanction serait de deux à trois ans et de 45 000 euros », indique le président de la LDH, qui craint que « la Halde ne devienne un outil pratique pour étouffer les affaires ».
« A partir du moment où une discrimination a lieu, je suis en désaccord avec une conciliation où le prix à payer est une amende, réaffirme Mouloud Aounit. Je suis en désaccord avec cette logique ; si une personne est prise la main dans le sac, il n’y a pas d’arrangement ». Dans sa présentation, Louis Schweitzer a comparé la lutte contre la discrimination à celle menée pour améliorer la sécurité routière, où les résultats progressent d’année en année. « A l’instar de la sécurité routière, termine le secrétaire général du Mrap, il faut que la fermeté soit au rendez-vous. Avec un objectif d’obligation de résultat. »