Le président sénégalais Abdoulaye Wade a reconnu une erreur d’appréciation concernant son projet de réforme constitutionnel, lors de son discours prononcé devant les membres du gouvernement et ses élus jeudi soir pour la première fois après les violentes manifestations du 23 et 27 juin à Dakar. Il a maintenu sa candidature à l’élection présidentielle de 2012. Une déception pour nombre de Sénégalais qui souhaitent son départ.
Abdoulaye Wade est bien décidé à conserver le fauteuil présidentiel. Le chef d’Etat sénégalais a maintenu sa candidature aux élections présidentielles prévues en févier 2012, lors d’une allocution devant les membres de son gouvernement et des élus jeudi soir. Il s’agissait de sa première intervention depuis les violentes manifestations du 23 et 27 juin à Dakar contre son projet de réforme constitutionnel qui prévoyait l’élection simultanée du chef d’Etat et d’un vice-président, pouvant lui succéder avec seulement 25% des voix au premier tour. Le projet, dévoilé à huit mois de l’élection présidentielle sénégalaise avait alimenté les soupçons de « succession dynastique », certains y voyant un moyen pour lui de permettre à son fils Karim Wade d’accéder au pouvoir. Pour le dirigeant sénégalais, il s’agit essentiellement d’une erreur de communication. « Il est probable que nous n’ayons pas suffisamment et à temps expliqué cette proposition, a-t-il déclaré. Il faut reconnaître que nous n’avions pas pensé que les manifestations du 23 juin devant l’Assemblée nationale puissent déboucher sur la violence. Nous avons commis une erreur d’appréciation ».
Election anticipée
Le chef d’Etat a également proposé une élection présidentielle anticipée, « si l’opposition est pressée et certaine de l’emporter, je peux envisager une élection présidentielle anticipée, si cela est nécessaire pour la cohésion sociale et la concorde nationale ». « La Constitution me donne le pouvoir d’organiser une élection présidentielle par anticipation dans un délai qui se situe entre soixante jours au maximum et quarante jours au minimum », a-t-il rappelé. Pour tenter d’apaiser la situation il a également promis l’arrêt des coupures de courant, qui expliquent en partie la colère de l’opinion publique, d’ici le mois de septembre.
Cette intervention du dirigeant tant attendue a déçu nombre de Sénégalais qui espéraient qu’il retire sa candidature à l’élection présidentielle. « On attendait qu’il ne se représente pas mais il a fait tout le contraire de ce que les Sénégalais souhaitaient », estime Djiby, 30 ans, étudiant en Droit à Dakar. « Hier dans son discours il ne s’est pas comporté comme un président de la République. Après les émeutes du 23 et 27 juin il était censé proposer des solutions à cette crise que traverse le pays comme tout bon chef d’Etat l’aurait fait et non pas nous parler d’élection anticipée », déplore le jeune homme. « Il devait s’adresser seul à la Nation et non pas donner la parole à ses partisans à tour de rôle pour qu’ils fassent ses louanges », juge-t-il. Pour Djiby, « le président a réitéré la position qu’il tenait avant les émeutes en continuant de narguer l’opposition ».
« Wade doit démissionner ! »
Béatrice Mangane, 27 ans, étudiante à Dakar en transport et logistiques, estime, pour sa part, que « Wade a semé le désordre dans le pays !» Selon elle, « Wade doit démissionner ! Car il est trop âgé pour diriger le Sénégal. S’il était lucide il n’allait pas se représenter ». « Il voulait laisser la présidence à son fils mais ce n’est pas possible car le Sénégal est un pays démocratique et non monarchique ! », s’insurge la jeune femme. Même son de cloche pour Moustapha Seck, 38 ans, employé au pressing, qui affirme que « Wade a tout chamboulé depuis son arrivée au pouvoir. Il devait partir depuis 2007. La jeunesse souffre ».
Pour Modou, 28 ans, technicien, le président « tente de se justifier mais il va dans la mauvais sens ». Le jeune homme ne comprend pas qu’il se soit « adressé qu’aux membres de son parti alors qu’il devait s’adresser à la Nation toute entière ». « Ce qui nous intéresse c’est le changement. Normalement il ne doit pas se représenter. Il n’a pas le droit de toucher à la Constitution. Il doit tout faire pour sortir par la grande porte », affirme-t-il.
« Avoir trois repas par jour est devenu un luxe au Sénégal tant la vie est chère », explique Kiné, 45 ans, commerçante. « Même moi qui m’en sortait bien financièrement je n’arrive plus à joindre les deux bouts. Plus rien ne va au Sénégal ! ». La quadragénaire n’est pas la seule à ressentir ce sentiment de désespoir. La désillusion semble devenu un état d’esprit général au pays de la Téranga.