Ibrahim Traoré, alias Dimba, a glané la première place d’une compétition de body-building en septembre dernier à Ouagadougou. Le monsieur muscle de 32 ans, qui s’entraîne cinq jours sur sept dans une petite salle, nous confie comment est née sa passion et comment il sculpte son corps.
Avec ses 1,85 et ses 83 kg, on ne peut pas vraiment dire qu’Ibrahim Traoré soit une armoire à glace. Dimba, de son surnom, est pourtant l’un des messieurs muscles du Burkina Faso, sa terre natale. L’un des rares, car la discipline, nouvelle au Pays des Hommes intègres et pratiquée de façon désorganisée, revient cher. Le culturisme semble en plus jouir d’une assez mauvaise réputation. « Les personnes qui pratiquent ce sport sont considérées comme des voyous, des malfrats, de tout ce que vous voulez de négatif », estime Assane Ouattara, organisateur avec Ouseni Cissé, de la dernière compétition à laquelle Dimba a participé. L’évènement s’est tenu le 25 septembre dernier dans une petite salle du Cactus bar de Ouagadougou et Dimba est arrivé premier, devant deux autres « gros bras », dans la catégorie Pose classique. Pour sa prestation, il a remporté 20 000 FCFA, une somme « symbolique », car les organisateurs ont peiné à trouver des sponsors. Mais pour Dimba l’essentiel est ailleurs. Cet homme plein d’humour de 32 ans nous explique comment il est tombé en amour avec le body-building, comment il se bat pour poursuivre sa passion et confie ses projets.
Afrik.com : Comment avez-vous eu l’idée de faire du body-building ?
Dimba : En regardant les journaux ! En voyant les images d’hommes si musclés, j’étais content et je me disais que je voulais devenir comme Arnold (Schwarzenegger, ndlr). Il me manque encore beaucoup de chemin à parcourir. Mais si nous avions les produits qu’utilisent les Américains pour développer leurs muscles, nous nous les dépasserions certainement !
Afrik.com : Comment avez-vous commencé à sculpter votre corps ?
Dimba : J’ai commencé en 1994. Je m’entraînais avec mon frère. Il avait un peu de matériel pour travailler les biceps et les triceps. Un jour, un cousin m’a vu et s’est dit que, si on m’aidait, je pourrais peut-être réussir dans le body-building. Il m’a emmené de Bobo-Dioulasso, dont je suis originaire, à Ouagadougou et m’a inscrit dans une salle. Il a tout fait pour moi là-bas. Quand il est parti au Sénégal, je me suis débrouillé seul.
Afrik.com : Comment vous entraînez-vous ?
Dimba : Je m’entraîne du lundi au vendredi, à raison de 2h30 par jour. Je travaille dans une petite salle, peu équipée, avec un entraîneur qui me donne les exercices à faire pour développer mes muscles. Tout se fait en salle. Je ne cours pas, je ne nage pas. Pour les cuisses, je fais du vélo pendant 25 minutes et je porte sur mon dos une charge de 100 kg avec laquelle je monte et descends les escaliers. Pour la poitrine et les épaules, je pratique le développé couché, où je porte des poids de 100 kg. Je ne travaille pas toutes les parties de mon corps le même jour : un jour je fais la poitrine et les triceps, un autre les épaules et les cuisses et ainsi de suite.
Afrik.com : Suivez-vous un régime particulier pour assurer le développement de vos muscles ?
Dimba : Tout dépend des moyens. On se débrouille un peu, mais généralement on mange comme les autres. Nous savons que nous devrions manger des fruits pour avoir des vitamines et des haricots pour les féculents, mais ce n’est pas facile de le faire tous les jours.
Afrik.com : Prenez-vous des produits pour forcer votre développement musculaire ?
Dimba : Je ne prends pas de produits. Moi, ce qui me plaît, c’est le naturel. Des gars sont venus pour essayer de nous vendre des produits, assurant que si nous les prenions, nous serions balèzes. Mais nous avons refusé. Ces produits font grossir et ce n’est pas le but recherché. A la rigueur, il nous faudrait un produit qui travaille le muscle, mais nous n’avons pas ça ici.
Afrik.com : Que pensez-vous de votre corps aujourd’hui ?
Dimba : Je me sens bien à l’aise dans mon corps. Mais, depuis que le jury de la compétition de septembre m’a dit que la seule chose qui me manquait c’était les cuisses, je travaille aussi mes jambes. Car j’estime qu’un homme normal doit avoir une bonne poitrine et de bonnes cuisses.
Afrik.com : Avez-vous déjà eu à faire face à la jalousie ?
Dimba : Certains de mes amis étaient jaloux de moi. Il y a parfois une certaine tension et il faut apprendre à se méfier pour ne pas se retrouver dans les problèmes. Lorsqu’un de mes amis est jaloux, je fais le premier pas mais s’il n’y a rien à faire, je laisse tomber.
Afrik.com : Comment réagissent les femmes lorsqu’elles vous voient ? Vos muscles sont-ils un atout ?
Dimba : Certaines filles ont peur et changent de trottoir quand elles nous croisent ! Mais il peut arriver dans un maquis qu’une fille tombe amoureuse de l’un d’entres-nous alors qu’elle est avec son mec. Les filles adorent les gros bras !
Afrik.com : Vous êtes arrivé premier lors de la compétition de septembre dernier. Etait-ce la première fois que cela vous arrivait ?
Dimba : J’ai fait ma première compétition en 1997. Cette fois-là, je suis arrivé deuxième. Mais je suis arrivé premier aux quatre autres compétitions auxquelles j’ai participé ensuite.
Afrik.com : Qu’avez-vous ressenti lors de vos victoires ?
Dimba : Dans ma tête, je me voyais toujours premier et j’étais très content de gagner ! En plus, tout le monde me connaît : je suis déjà passé à la télé et dans les journaux.
Afrik.com : Envisagez-vous de participer à d’autres compétitions ?
Dimba : Après la compétition de septembre, j’avais décidé que je ne ferais plus d’autres compétition, si ce n’est pas pour défendre les couleurs du Burkina Faso à l’étranger.
Afrik.com : Quel est votre plus par rapport aux autres culturistes ?
Dimba : Tout dépend de soi, de si l’on est courageux. Certains attendent la compétition pour s’entraîner, mais ce n’est pas comme ça que ça marche. Moi, si j’ai une compétition, je m’entraîne avant tous les jours de la semaine sans repos.
Afrik.com : Vivez-vous de cette activité ou travaillez vous à côté pour subvenir à vos besoins ?
Dimba : On ne peut pas vivre de cette activité. Elle permet de se montrer aux gens, de faire sa promo, mais il n’y a pas beaucoup d’argent à gagner. Pour pouvoir continuer ma passion, j’ai travaillé trois ans pour une société de ciment. Lorsqu’elle a fermé, je me suis dit que je pourrais être videur dans un maquis. Il engagent des gros bras, et j’en suis moi-même un ! Je travaille donc pour deux maquis et je suis payé 12 000 FCFA la semaine, ce qui me permet de payer la salle où je m’entraîne et qui me coûte 15 000 FCFA par mois.
Afrik.com : Quels sont vos projets ?
Dimba : Je ne veux plus payer quelqu’un pour qu’il m’entraîne. Je souhaite un jour avoir une salle dans laquelle c’est moi qui entraînerait des gens.
Afrik.com : Avez-vous déjà eu envie d’abandonner le body-building ?
Dimba : Non, jamais. J’aime trop ça !
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