Leur démarche est inédite dans la distribution des produits cosmétiques destinés aux femmes noires et métissées en France. Grâce à Dieynaba Bakiri et Cécile Abric, ces consommatrices disposent depuis 2007 en région parisienne, pour l’heure, de boutiques dédiées où elles sont des clientes reconnues et conseillées à qui tous les choix s’offrent.
« C’est difficile de faire son shopping (beauté) parce qu’il manque toujours un produit ». Dieynaba Bakiri, Sénégalaise d’origine, sait de quoi elle parle. Mais surtout elle a trouvé la solution en s’associant à une amie caucasienne, Cécile Abric. Deux trentenaires, tentées par l’aventure de l’entrepreneuriat « utile », cela donne Colorii, enseigne « spécialisée dans la beauté ethnique » créée en 2007 dans l’Hexagone. « On voulait toutes les deux monter notre boîte », se souvient Cécile Abric. Elle sera très vite détournée par sa copine Dyenaba, rencontrée au sein de la multinationale Schlumberger où elles étaient collègues, de son idée de vendre des vêtements pour enfants. Oubliés les marmots, les jeunes femmes ont décidé de réconcilier leurs mamans, surtout quand elles ont la peau ébène et dérivés, avec la cosmétique en innovant dans sa distribution sur le territoire français.
Afin de convaincre Cécile, Dieynaba l’emmène faire son shopping beauté. Et c’est « dur dur » d’être une femme noire quand on veut acheter des produits de beauté. « En tant que femme blanche, souligne Cécile Abric, si je passe du temps dans les magasins, c’est pour choisir la marque de mon produit et non pas pour le trouver. Une femme noire doit presque poser une journée de RTT parce qu’il lui faut traverser tout Paris à la recherche de ses produits. J’étais très étonnée que dans une parfumerie généraliste, Dieynaba n’ait le choix qu’entre deux marques ». « Il faut prévoir à l’avance », renchérit Dieynaba. Les deux femmes font le test à Strasbourg Saint-Denis, le « haut-lieu » de la beauté noire dans la capitale française où la question de savoir si le produit désiré n’est pas une contrefaçon se pose parfois. Le défi est majeur. Mais quand on est une jeune femme noire, Dieynaba, qui commence sa carrière professionnelle sur une plateforme pétrolière Outre-Manche, rien ne vous effraie vraiment. D’autant qu’on trouve avec qui, Cécile donc, partager sa solitude d’entrepreneur. Le projet que les anciennes cadres supérieures soumettent aux banques est bien ficelé. Il ne laisse entrevoir que sa faisabilité et la compétence de ses promotrices diplomées d’école de commerce et dotées d’une solide expérience en vente et en marketing.
Toute la France bientôt aux couleurs de Colorii
Colorii a mijoté dans les marmites de Cécile et de Dieynaba, respectivement directrice générale et présidente de la société, pendant un an. Elle prend forme non sans difficulté. « C’est très drôle. Les marques étaient réticentes quand on leur exposait notre idée. On les suppliait presque de nous communiquer leurs prix. C’était une révolution pour eux. » La première boutique Colorii ouvre ses portes aux Halles marquant symboliquement la fin des « corners ethniques » ou le règne des produits de beauté qui se cachent entre le « piment et le manioc ». Ce qui renvoie les peaux noires et métissées au rang de consommatrices de seconde zone en matière de beauté. De la tête au pied, Colorii se charge de tout. La marque propose des produits grand public qui oscillent entre le moyen et le haut de gamme, tout en étant accessible à toutes les carnations : 36 teintes pour les peaux noires et métissées, 10 autres pour les peaux mates et blanches. Les cheveux frisés, défrisés, crépus ou plats ne sont pas en reste.
Les clientes manifestent et disent leur satisfaction depuis l’ouverture de l’enseigne. « Elles nous remerciaient, se souvient Cécile Abric. Nous avons pris toute la mesure du fait que nous répondions à un véritable besoin ». Les Parisiennes ont été gâtées cet été avec l’ouverture des BeautyBox Colorii à la Défense et à Argenteuil. Cette dernière porte à cinq les points de vente (Forum des Halles, Rosny 2 et Evry 2) de la marque. Aux Halles et à Rosny 2, des espaces soins et coiffure sont disponibles. La province, elle, patientera jusqu’en 2011. En attendant, le site de Colorii propose des livraisons partout en Europe. Au moins quinze mille personnes jouissent déjà d’une carte de fidélité Colorii dans l’Hexagone. Ce n’est qu’un début, semble-t-il. Dyenaba voudrait aussi que Colorii voit le jour dans son pays d’origine, le Sénégal. De même, une fondation éponyme apporterait son aide aux femmes et aux enfants du continent africain. « Les femmes portent l’Afrique, rappelle-t-elle ». Dieynaba Bakiri et Cécile Abric, quant à elles, portent la beauté des « femmes Colorii ».