Des firmes africaines à la rencontre de leurs alter ego du Sud-Est asiatique. C’est la dernière bonne idée qui mobilise le cabinet de recrutement Africsearch et son président Didier Acouetey. Le forum se tient du 5 au 6 avril à Singapour. L’occasion de parler d’emploi avec Didier Acouetey qui met depuis près de 15 ans les talents africains à la disposition des entreprises qui opèrent en Afrique. Entretien.
En 1996, ils furent sept à se lancer dans l’aventure du cabinet de recrutement Africsearch dont Didier Acouetey est aujourd’hui le président. Né à Lomé et envoyé en pension en France à l’âge de 13 ans, Didier Acouetey, la quarantaine souriante, ne cesse de se lancer de nouveaux défis. A 19 ans, il avait déjà une petite entreprise de t-shirts et autres accessoires où on pouvait lire « Black is beautiful ». Ce qu’il s’emploie depuis des années à démontrer avec brio via Africsearch et ses autres projets. Entre autres, Initiative 150, un groupe de réflexion créé en 2005 pour essayer d’insuffler un peu de démocratie dans la vie politique togolaise. Didier Acouetey a également participé à Intellectuels africains face à la mondialisation (Cosmos Publishing), un ouvrage collectif publié en 2007 et écrit sous la direction de Jacques Bonjawo, fondateur de Genesis Futuristic Technologies. Une première expérience « encourageante » pour Didier Acouetey qui souhaite, depuis des années, se lancer dans l’écriture.
Afrik.com : Vous avez lancé en 1996 le cabinet de recrutement Africsearch. Il est né de la volonté de permettre à des Africains formés en Occident de mettre leurs compétences au service de leurs pays, souvent au travers de multinationales. La démarche a fait depuis des émules. Quel bilan pourrait-on faire de cette tendance à vouloir travailler sur son continent ?
Didier Acouetey : Trois constats majeurs. Le premier est que l’intérêt en Afrique reste aussi fort pour les Africains formés à l’étranger, en Europe ou aux États-Unis parce qu’il y a un potentiel de développement sur le continent dont il faut tirer parti. Deuxième élément intéressant : les compétences ont également évolué en Afrique. Au début, nous recrutions plutôt des Africains à l’étranger. Or, aujourd’hui, près de la moitié de nos recrutements se fait en Afrique. Ce sont des personnes qui ont eu leurs diplômes sur le continent ou qui ont été formés ailleurs et qui exercent désormais sur le continent. Troisième constat : l’Afrique, elle-même, commence à avoir des entreprises susceptibles de rentrer en compétition avec des multinationales. Cela ne peut être que positif pour le développement et par conséquent pour l’emploi des diplômés et des cadres africains.
Afrik.com : La crise financière a-t-elle perturbé la dynamique de ce marché du recrutement?
Didier Acouetey : La crise a été moins ressentie en Afrique : 70 à 80% de nos recrutements l’année dernière ont été réalisés pour le compte d’entreprises et d’institutions africaines.
Afrik.com : Vous ne craignez pas une bombe à retardement puisque l’on sait que, du fait des modes de transmissions de la crise, toutes ses conséquences ne sont pas visibles à l’heure actuelle ?
Didier Acouetey : Je ne pense pas. La crise a essentiellement eu un impact sur les matières premières. L’Afrique, qui en est exportatrice, souffre nécessairement du gel des marchés en termes de volume et de cours. Et puis, la crise qui s’est produite est financière, or beaucoup de nos entreprises opèrent encore sur des marchés intérieurs africains, moins connectés aux marchés internationaux. Par conséquent, les firmes ont continué à embaucher. L’économie internationale est en train de repartir. L’effet de la crise aura été de courte durée et de toute façon la situation de nombreux Africains n’a pas changé, avant, pendant et après la crise. Par exemple, les populations n’avaient pas particulièrement bénéficié de l’envolée du cours de certaines matières premières comme le pétrole ou le phosphate. La pauvreté n’a pas reculé outre mesure. Maintenant, il faut construire des réponses africaines pour faire face à ce genre de situation internationale et pour que nos marchés intérieurs continuent de fonctionner sans être soumis à des aléas extérieurs.
Afrik.com : Quels sont les secteurs les plus demandeurs de vos services ?
Didier Acouetey : Ce sont les secteurs habituels, banques, télécommunications et agro-alimentaire qui continuent de tirer le recrutement sur le continent.
Afrik.com : Vous recrutez de plus en plus en Afrique. Cela serait-il dû à l’amélioration de la formation ?
Didier Acouetey : La formation s’est effectivement améliorée. Mais c’est aussi parce que beaucoup d’Africains ont une expérience de terrain. Quand vous travaillez en Afrique, vous avez une valeur ajoutée plus intéressante que quelqu’un qui viendrait de l’étranger.
Afrik.com : A vos débuts, vous recrutiez plutôt dans la diaspora. Quelles sont les raisons de cette évolution ?
Didier Acouetey : Cela fait environ 15 ans que l’on est présent dans ce secteur. Ce qui signifie que les Africains formés en Afrique ont eu le temps d’avoir une expérience sur le continent, de même que ceux formés à l’étranger. Entre temps, nos business schools ont également eu la possibilité de former des gens qui s’adaptent plus facilement au marché africain.
Afrik.com : Africsearch ne fait pas que du recrutement. Cette activité représenterait environ 60% de votre portefeuille, le conseil, 30 et la mise en relation d’entreprises 10%. Ces chiffres sont-ils toujours valables et en quoi consiste le volet concernant les entreprises ?
Didier Acouetey : Nous sommes toujours dans les mêmes proportions. Cette activité s’adresse à des entreprises qui ont des problématiques de développement et qui recherchent donc des partenaires ou des financements. Elle va être amplifiée avec le forum que nous organisons à Singapour qui a pour objectif de rapprocher des entreprises africaines et celles du Sud-Est asiatique. Ce n’est pas fait sur le label Africsearch mais c’est un partenaire important. Car quand une entreprise recrute sur des positions stratégiques, c’est qu’elle a une stratégie de développement qu’elle veut pouvoir mettre en route. Nous nous proposons de mettre ces entreprises en relation avec d’autres qui ont la même problématique et qui les complète grâce à différentes expertises, savoir-faire technique, financier ou autre.
Afrik.com : Quel profil de firmes participent à cette rencontre ?
Didier Acouetey : Nous les avons appelées les champions ou futurs champions africains. Ecobank est un champion africain dans la banque, MTN en est un autre dans les télécoms, Sonangol est un champion dans le secteur pétrolier, tout comme le groupe Azalaï est un champion potentiel dans le secteur de l’hôtellerie, de même que Voodoo dans le secteur de la publicité.
Afrik.com : Vous étiez récemment à Marrakech, au sommet des collectivités locales africaines organisé par Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique. Son secrétaire général, Jean-Pierre Elong Mbassi, estime que face à la crise de l’emploi, notamment des jeunes, toutes les initiatives locales peuvent être une solution à ce problème permanent en Afrique. C’est un avis que vous partagez en tant que professionnel ?
Didier Acouetey : C’est une démarche qui a du sens parce que le développement se fait à la base. Les collectivités locales doivent avoir un rôle de plus en plus important parce que beaucoup d’entre elles ont la capacité de lever des fonds et de trouver des partenaires. Elles peuvent aussi décider de plans d’accueil d’entreprises avec des activités qui peuvent avoir un impact sur la formation. Attirer des investisseurs pour financer des projets est une initiative qui va de pair avec celle de mobiliser des compétences. Les collectivités deviennent par conséquent de nouveaux bassins d’emploi.
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