Le Bristol notoirement fréquenté par des princesses arabes, en a accueilli d’autres, celles de l’« Afternoon tea time », le temps d’un défilé de mode haute couture renouant avec la tradition d’une certaine Coco Chanel assise sur les marches d’escalier du Ritz… Loin des catwalks traditionnels, ce défilé qui fut une incitation au voyage par le vêtement, aux formes chaloupées et amples dans cette atmosphère feutrée et conviviale, a permis aux deux organisatrices marocaines Linda Adadi et Hind Mimouni-Joudar, d’oser une fashion week orientale dans ce palace parisien. Une dizaine de créateurs venus d’ici et d’ailleurs (Rosa Kanno du Japon, Yasmina Chillali d’Algérie, Leila Benmlih du Maroc, Hoda Haddad Franco-Marocaine, Said Belhadfa Marocain des US et Max Chaoul pour le somptueux finish robe de mariée) ont présenté leurs collections originale en deux parties au Bristol, les 10 et 17 avril, suite à un cocktail offert par la galerie Adler.
Le caftan a été mis à l’honneur par des créatrices comme la Marocaine, Leila Benmlih, sublimant la silhouette d’une femme quelque soit sa taille ou la générosité de ses formes. Le caftan, (Aux origines perso-turques s’est dispersé dans l’Asie, l’Inde, l’Italie, pour finalement élire territoire au Maghreb, au travers de l’Empire Ommeyade au Maroc et Ottoman en Algérie). Ce vêtement indémodable, traversant les contrées et les époques, retrouve toutes ses lettres de noblesse dans les créations de Leila, qui par ses déclinaisons originales et soignées, respecte néanmoins la coupe traditionnelle. Qu’il soit droit ou croisé, ample ou cintré par la « mdamma » (ceinture large), le caftan de Leila Benmlih garantit l’élégance d’un port fier et altier, sous ses matières fluides, richement brodées et brillantes sans jamais tomber dans le bling bling. Elle nous explique que sa collection de 30 pièces a nécessité 4 mois de travail acharné, partant d’une idée, souvent subite et opportune, qu’elle transforme en patron, lequel sera associé à des matières de soie, taffetas, mousseline, dentelle, ou tulle, pour enfin être confié au « maallam » (l’artisan couturier), et enfin aux brodeuses ou perleuses qui se chargeront de la finition. Leila insiste sur le fait que « tout est cousu mains », sinon l’appellation Haute Couture ne saurait se justifier. Le caftan, selon elle, ne doit pas être trop dénaturé au profit des tendances modernistes, car il y laisserait une part de son identité si chère aux Marocaines d’aujourd’hui, même si la mode autorise de jolies entorses déviatrices.
En revanche, Hoda Haddad, cette autodidacte Franco-Marocaine, s’offre elle, le luxe des modèles très avant-gardistes de caftan infiniment travaillés surgissant de son inspiration instinctive. Son inventivité affirmée génère des « caftans-couture » très aboutis aux matières légères et délicieusement volatiles de couleurs vives, apposant ainsi le sceau d’une maturité artistique étonnante pour son jeune âge. Son style très personnel est très prisé du gotha Parisien la désignant comme la créatrice du « Caftan Parisien » si tant est qu’il puisse se nommer ainsi.
Tradition et modernité
Yasmina Chelali, quant à elle, a choisi de faire revivre les vêtements d’Algérie, purement traditionnels dans un aspect plus moderne, osant même l’avant-garde. C’est ainsi que les « karakou » (Veston brodé sur saroual, pantalon bouffant) et « chedda » (Tenue traditionnelle princière de Tlemecen) se font redorer le blason par des ornements tout en broderies, sur des doux velours chatoyants, conçus par Yasmina; Le tout habilement enrichi d’accessoires hauts en couleurs et finement dorés. Cette doyenne de la mode algérienne étonnante de simplicité, habilla Brigitte Bardot et la reine Rania de Jordanie, à la mode Dzirya.
Quant à Said Belhadfa, ce talentueux créateur marocain qu’on ne présente plus dans les soirées branchées de New York, il a su exporter son style arabo-mauresque, dont il ne conserve que les bases traditionnelles. Par sa créativité débordante, il décline ses tenues désormais cultes à Broadway, au travers d’une excentricité osée, et d’une extravagante simplicité sur des matières de choix marquant ainsi sa griffe très « couture ». Une manière d’apposer son nostalgiquement l’identité marocaine dans la « Big Apple ».
Les créateurs venus de leurs pays respectifs présenter leurs collections, voient ainsi leur travail de fourmi, récompensé et surtout imprimé dans les cœurs et les mémoires. C’est ainsi que le caftan également appelé « takchita » fait amplement partie du patrimoine vestimentaire et culturel marocain, rappelant les origines andalo-mauresques de ce pays. Toute mariée marocaine qui se respecte doit porter au moins un caftan, lors de sa cérémonie nuptiale. Et même si le caftan s’est vu porter par certaines stars osant la touche exotique (Catherine Deneuve, Sharon Stone, Naomi Campbell) lors de cérémonies, cet habit reste « Le must be » dans le dressing d’une marocaine. Qu’elle soit Mme tout le monde ou égérie, elle n’en reste pas moins la star d’une soirée vêtue de cet apparat des reines et rois. D’ailleurs, Yves Saint Laurent n’a-t-il pas lui-même repris le caftan pour le décliner à sa manière si personnelle…