A Niamey, un vaste projet radiophonique dans les campagnes bouleverse les habitudes. Un réseau de 160 radios rurales autogérées est en train de se mettre en place. Avec, à la clef, des initiatives corollaires courageuses : promouvoir la collecte des armes conservées depuis la guerre civile et aider les jeunes prisonnières à se réinsérer. Tout un programme !
Depuis fin 1999, le Niger met en place un réseau de 160 radios rurales solaires autogérées et de 50 centres d’information pour le développement (RURANET/CID). A ce jour plus d’une vingtaine de radios sont opérationnelles à travers le territoire nigérien. Et ce n’est pas fini.
Mettre en place des radios qui diffusent dans les campagnes des programmes d’intérêt local, en langues nationales et sur des thématiques de développement, qui plus est dans un pays où il n’existait pas de radios locales, est en soi un défi. Mais prodiguer gratuitement aux populations pauvres des récepteurs qui fonctionnent à l’énergie manuelle et/ou solaire pour faciliter l’écoute collective dans les établissements scolaires, les centres de santé, les marchés et les lieux d’activités associatives, cela relève carrément de l’exploit ! C’est pourtant chose faite grâce à cette initiative extraordinaire intitulée » radios contre armes « .
Récupérer les armes de guerre
L’appellation provient d’un projet corollaire au développement des radios : la récupération des armes illicites pour la consolidation de la paix et pour le développement. Dans les années 1990, le Niger a beaucoup souffert de l’état de rébellion et d’insécurité qui prévalait dans les régions du Nord et de l’Est. Les autorités nigériennes ont finalement pu rétablir la paix dans les régions affectées. Les Accords d’avril 1994, ceux d’Alger en novembre 1997 et de N’Djaména en janvier 1998, ont scellé la fin des hostilités.
Des initiatives sont en cours dans l’Aïr, le Manga et le Kawar pour faciliter la réinsertion des rebelles dans la vie économique et sociale. Le processus s’est parachevé par la Flamme de la paix organisée en septembre 2000 à Agades et au cours de laquelle les fronts de résistance de la rébellion ainsi que les milices et comités d’autodéfense se sont auto-dissous. Des milliers d’armes de guerre ont été brûlées pour bien montrer à la société nationale et à la communauté internationale l’irréversibilité du processus. Il n’en demeure pas moins que des armes légères sont encore détenues illicitement par certains particuliers. Les autorités nigériennes ont souhaité s’en emparer, mais y mettant les formes.
Toucher les populations reculées
L’initiative de collecte des armes illicites relève des recommandations faites en 1998, par les plus hautes autorités de l’Afrique de l’Ouest pour l’application du moratoire d’Abuja, et est largement appuyée par les Nations Unies. Au Niger, une Commission Nationale pour le Contrôle et la Collecte des Armes Illicites (CNCCAI) supervise au plan national, régional et local des campagnes de sensibilisation pour la consolidation de la paix et la récupération des armes.
Le réseau des radios rurales est mis à contribution pour mener à bien l’exercice et toucher les populations dans les villages les plus reculés. Grâce à un fonds mis en place à cette fin avec l’appui du PNUD et au don de 12.400 récepteurs radios de la Fondation Freeplay, la CNCCAI dispose aujourd’hui de ressources et de moyens pour encourager et compenser la remise des armes, notamment contre obtention de radios récepteurs.
Réinsertion des jeunes prisonnières
Deuxième retombée de cet étonnant projet radiophonique : la réinsertion professionnelle et sociale d’anciennes détenues Les radios remises gracieusement par la Fondation Freeplay devaient faire l’objet d’une vérification du bon état de marche, du remplacement du label »Freeplay » par celui » Initiative CNCCAI – Radios contre Armes – interdit à la vente », et éventuellement d’une réparation.
Avec l’appui du PNUD, du Ministère de la Communication, celui de la Justice et des Droits de l’Homme, du Comité de Pilotage des Radios de Proximité (CPRP), de la Commission Nationale de Contrôle et de Collecte des Armes Illicites (CNCCAI), des autorités locales de Goudel et des responsables de la Radio des jeunes de Goudel, des équipes mixtes de jeunes filles de la radio des jeunes de Goudel et de jeunes filles libérées de la Prison de Niamey ont été formées pour réaliser ensemble ce travail de vérification et de réparation des radios Freeplay. Cela procure du travail et des revenus pour plusieurs mois, voire plusieurs années, à une douzaine de jeunes filles.
Devant le succès de l’opération et la totale intégration des jeunes filles libérées dans des familles de Goudel, il est question aujourd’hui d’augmenter le nombre de jeunes filles libérées pour les préparer à d’autres opérations de réinsertion professionnelles et sociales consistant, entre autres, au montage de consoles pour les radios émetteurs FM, afin de satisfaire les besoins en équipements neufs et en réparation des marchés du Niger et de la Sous Région.
Djilali Benamrane
Djilali Benamrane est économiste au Niger