
En qualifiant le Lesotho de « pays dont personne n’a jamais entendu parler » et en lui attribuant faussement une aide LGBT+, Donald Trump renoue avec une diplomatie du mépris qui rappelle ses sorties controversées sur les « pays de merde ». Cette nouvelle provocation menace des programmes de santé vitaux dans un pays où un adulte sur quatre vit avec le VIH. Analyse.
Dans un discours qui a fait l’effet d’une onde de choc diplomatique, le président américain Donald Trump a placé le petit royaume du Lesotho sous les projecteurs internationaux – mais pas de la façon dont ce pays d’Afrique australe l’aurait souhaité. Lors de son allocution du 4 mars devant le Congrès, Trump a utilisé le Lesotho comme exemple pour justifier des coupes dans l’aide internationale, le qualifiant de pays « dont personne n’a jamais entendu parler » tout en affirmant qu’il recevrait « huit millions de dollars pour promouvoir les LGBT+« .
Ces propos, accentués par les rires visibles du vice-président JD Vance en arrière-plan, ont provoqué une vive indignation dans ce royaume enclavé d’Afrique australe. La réaction du gouvernement lésothien ne s’est pas fait attendre. Le ministre des Affaires étrangères, Lejone Mpotjoane, s’est déclaré « choqué » par cette sortie, jugeant « surprenant et décevant qu’un chef d’État puisse traiter ainsi une autre nation souveraine« . Il a notamment rappelé que les États-Unis entretiennent une ambassade active à Maseru, capitale du pays.
Une ignorance aux conséquences concrètes
L’incident révèle une méconnaissance troublante des réalités: le gouvernement lésothien et l’ONG People’s Matrix, principale organisation défendant les droits LGBTQ+ dans le pays, ont formellement démenti avoir jamais reçu les huit millions de dollars mentionnés par Trump.
Cette controverse prend une dimension particulièrement sensible dans un contexte où le Lesotho, avec environ un adulte sur quatre séropositif, dépend crucialement de l’aide américaine pour financer des traitements antirétroviraux pour plus de 200 000 personnes.
Une rhétorique dédaigneuse bien ancrée
Ces remarques sur le Lesotho s’inscrivent dans une lignée de propos méprisants envers les nations africaines. En janvier 2018, lors d’une réunion à la Maison Blanche sur l’immigration avec des sénateurs, Trump avait choqué la communauté internationale en demandant : « Pourquoi est-ce que toutes ces personnes issues de pays de merde viennent ici ?« , faisant explicitement référence à plusieurs États africains, au Salvador et à Haïti.
Ces déclarations avaient alors suscité un tollé mondial, l’ONU les qualifiant de « racistes » et « honteuses« , tandis que l’Union Africaine déplorait des remarques « blessantes » qui résonnaient particulièrement douloureusement « compte tenu de la réalité historique du nombre d’Africains arrivés aux États-Unis comme esclaves« . Selon le New York Times, Trump aurait même affirmé lors d’une autre réunion que « les Haïtiens ont tous le sida« , illustrant une vision profondément stéréotypée des nations du Sud.
Entre mépris diplomatique et intérêts économiques contradictoires
La société civile lésothienne a également fait entendre sa voix. Le militant pro-démocratie Kananelo Boloetse a riposté avec ironie sur les réseaux sociaux: « Vous avez entendu parler du Royaume dans les cieux? J’imagine que non, trop occupé à jouer au golf pour le remarquer« . Il a rappelé avec fierté que son pays est le seul au monde entièrement situé à plus de 1 000 mètres d’altitude.
No fake news here! pic.twitter.com/aPxB73eSSd
— Kananelo Boloetse (@YourKayBol) March 7, 2025
Paradoxalement, Elon Musk, proche conseiller de Trump né en Afrique du sud, cherche actuellement à implanter son entreprise Starlink au Lesotho, rendant les propos présidentiels d’autant plus embarrassants. Cette incohérence flagrante entre les intérêts économiques américains dans la région et le mépris affiché par le président illustre une méconnaissance flagrante des sujets évoqués.

Ce nouvel épisode confirme une constante inquiétante dans la diplomatie trumpienne : une tendance à la dévalorisation systématique des nations africaines, oscillant entre ignorance géographique assumée et mépris culturel à peine voilé. En réponse, le Lesotho a annoncé l’envoi d’une lettre officielle de protestation à Washington, exigeant le respect dû à sa souveraineté.