Le Maroc est toujours sous le choc après le suicide d’Amina Al Filali à Larache, dans le nord du Maroc. L’adolescente de seize ans s’est donnée la mort après avoir été contrainte d’épouser son violeur pour que celui-ci échappe à cinq ans de prison. Cette alternative est prévue par la loi marocaine en cas de viol. Des ONG ont manifesté jeudi pour demander l’abrogation de ce texte.
Plusieurs ONG marocaines, qui luttent pour la défense des droits des femmes, ont manifesté jeudi à Larache, dans le nord du Maroc, pour exiger l’abrogation de la loi sur le viol. Le suicide, samedi 10 mars, d’une adolescente de 16 ans, Amina Al Filali, a relancé le débat. La jeune fille s’est tuée à Larache en ingérant de la mort aux rats. Elle avait été contrainte d’épouser son violeur, un membre de sa famille. Près de 300 personnes ont observé jeudi, à l’appel de la Ligue démocratique pour les droits de la femme, un sit-in devant le tribunal de Larache qui avait autorisé l’agresseur à repartir libre pour épouser Amina.
Tout pour éviter la « hchouma »
Ce genre d’arrangement est prévu par la loi marocaine. L’article 475 du code pénal [[Quiconque, sans violence, menaces ou fraudes, enlève ou détourne, ou tente d’enlever ou de détourner, un mineur de moins de dix-huit ans [176], est puni de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 200 [177] à 500 dirhams.
Lorsqu’une mineure nubile ainsi enlevée ou détournée a épousé son ravisseur, celui-ci ne peut être poursuivi que sur la plainte des personnes ayant qualité pour demander l’annulation du mariage et ne peut être condamné qu’après que cette annulation du mariage a été prononcée.]] permet à un violeur d’épouser sa victime. Cette alternative a été acceptée par la famille d’Amina pour éviter la « hchouma » (la honte, ndlr). Ce mariage devait permettre de « sauver l’honneur » de la famille et éviter que l’agresseur accomplisse ses cinq ans (maximum) de prison. Perdre sa virginité avant le mariage est considéré comme grave, quel qu’en soit la raison. La Tunisie et l’Algérie ont des dispositions similaires en cas de viol.
Au Maroc, ce drame a fait réagir le gouvernement. Une réunion a été consacré à cette affaire. « Cette fille a été violée deux fois, la dernière quand elle a été mariée », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khelfi, avant d’ajouter qu’ « il faut étudier d’une manière approfondie cette situation avec la possibilité d’aggraver les peines dans le cadre d’une réforme de l’article du code pénal. Nous ne pouvons pas ignorer ce drame ».
L’unique femme ministre du gouvernement d’Abdelilah Benkirane , Bassima Hakkaoui, chargée de la Solidarité, de la Femme et de la Famille, a reconnu jeudi sur la chaîne de télévision 2M que cette loi était un « vrai problème » et qu’il faudrait organiser un « débat [pour la] réformer ».
Amina, ultime victime de la loi sur le viol
Ce suicide a fait réagir plusieurs associations féministes qui luttent depuis des années pour l’abolition de cette loi. Le 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale de la femme, le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (Mali) exprimait une nouvelle fois sa colère. Dans un communiqué, l’organisation s’insurgeait contre « l’appareil judiciaire marocain, ses magistrats, ainsi que le législateur, qui voient la femme victime de viol comme une « anomalie sociale » qu’il convient de « racheter » par le mariage. La sauvegarde de l’hypocrisie sociale est donc plus importante aux yeux du législateur que le crime en soi ».
Pis encore, lorsqu’une femme est violée, elle doit être en mesure de le prouver. « Que faisais-tu avec cet homme ? », « Comment étais-tu habillée ? », « Tu étais vierge ou pas ? » sont des questions qui peuvent lui être posées pendant un interrogatoire. L’agresseur peut ainsi se retourner contre la victime en affirmant qu’il l’a payée pour coucher avec elle. Une femme violée peut donc se retrouver sur le banc des accusés et purger une peine de prison pour relation sexuelle hors mariage. Le cas d’Amina n’est pas un cas isolé mais son suicide met en exergue l’injustice de cette loi sur le viol.
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