Selon l’organisation Reporters sans frontières (RSF), plusieurs journalistes français auraient actuellement beaucoup de peine à obtenir un visa pour le Togo, en vue de suivre la campagne électorale menant au scrutin présidentiel du 28 février prochain.
Selon nos sources, un journaliste du quotidien breton Le Télégramme serait toujours en attente d’une réponse alors qu’il a déposé sa demande de visa auprès du consulat du Togo à Paris à la fin du mois de novembre. Résultat : il aurait annulé son voyage. Une situation commune, semble-t-il, à d’autres journalistes français que déplore l’organisation de défense de la presse, RSF. Cette dernière voit dans ces retards de délivrance de visa « une stratégie volontaire » de la part des autorités togolaises qui viserait à limiter la couverture de la campagne par les journalistes français. Entretien avec Ambroise Pierre, du bureau Afrique de RSF.
Afrik.com : RSF a récemment publié un communiqué dénonçant les difficultés rencontrées par plusieurs journalistes étrangers pour obtenir leur visa professionnel pour le Togo. De quoi s’agit-il exactement ?
Ambroise Pierre : Plusieurs journalistes français ont déposé des demandes de visas pour le Togo auprès du consulat togolais à Paris et aucun n’a obtenu de réponse à ce jour, ce qui est tout à fait anormal. Ils n’ont d’ailleurs pas reçu de refus officiel, ils sont dans l’attente d’une réponse et leur demande est « en cours ». Or, plus l’attente dure, plus elle rend leur voyage impossible, en raison des contraintes liées à une tel déplacement. En fait, c’est très pernicieux. Ce n’est pas un refus de visa mais une stratégie volontaire à terme d’empêcher les journalistes de se rendre sur place.
Afrik.com : Comment avez-vous eu vent des difficultés rencontrées par ces journalistes?
Ambroise Pierre : Les journalistes eux-mêmes nous ont fait part de leur inquiétude. Ils sentent bien qu’on cherche à les empêcher de partir. Nous avons également été alertés par l’équipe de campagne du candidat franco-togolais Kofi Yamgnane], qui dénonce également cette situation.
Afrik.com : N’y-a-t-il que des journalistes français qui sont concernés par ce problème?
Ambroise Pierre : Selon nos sources, oui. Nous avons pu vérifier que des journalistes étrangers, autre que français, se trouvaient au Togo. Ils n’ont pas eu de problème à obtenir leur visa. C’est la raison pour laquelle nous pensons que la France est visée derrière tout ça.
Afrik.com : Le candidat franco-togolais Kofi Yamgnane serait-il la raison cachée de l’attitude des autorités togolaises ?
Ambroise Pierre : En partie, oui. Le blocage des autorités togolaises fait suite à la récente querelle diplomatique qu’ont eu la France et le Togo. Il est vrai que pour certains journalistes français, la campagne du candidat Kofi Yamgnane est un angle majeur du scrutin, ce que ne tolèrent pas les autorités togolaises qui ont expulsé un diplomate français parce qu’il était jugé trop proche de ce candidat. Or, il y a aussi une crispation dans la manière dont est couverte la pré-campagne. On appelle les autorités à ne pas avoir de réflexes de censure, à ne pas être tentées de mettre la mainmise sur l’ensemble des médias.
Afrik.com : Comment se déroule jusqu’à présent le suivi de la pré-campagne électorale par les journalistes togolais et étrangers au Togo?
Ambroise Pierre : Assez bien. Nous avons joint un journaliste togolais qui nous a décrit un climat plutôt positif, sans intimidation du pouvoir vis-à-vis de la presse. Ce qui est une bonne chose. De notre côté, nous avons constaté que les candidats à la présidentielle avaient accès à la presse privée et aux médias d’ Etat, même si ces derniers donnent plus facilement la parole aux représentants de l’Etat qu’à l’opposition. Durant la campagne de février, nous serons en droit de demander une égalité dans les temps de parole, mais pas encore…
Afrik.com : Qu’ont répondu les autorités togolaises quand vous leur avez fait part de votre préoccupation concernant les problèmes de visas des journalistes français?
Ambroise Pierre : Elles ne nous répondent pas. Nous avons tenté de contacter le ministère de la Culture et de la Communication togolais ainsi que l’ambassade du Togo à Paris, mais sans succès. C’est pour cela que nous souhaitons alerter l’opinion publique sur cette situation. La pré-campagne et la campagne togolaises doivent être transparentes. Il est impératif que la presse nationale et étrangère suivent en toute liberté le prochain scrutin dans le pays.
Consulter le communiqué de RSF