Les origines du hip-hop remontent à 1973. Déjà à l’époque, un adolescent noir du nom d’Afrika Bambaataa inondait le Bronx River de ses improvisations réalisées sur sa console. Un jeune jamaïcain, Kool DJ Herc, à l’est du Bronx en faisait de même. Grandmaster Flash, un génie de la console gagnait de la notoriété plusieurs kilomètres plus loin dans le sud. Tous basaient leur art sur l’improvisation réalisée sur différentes expériences sonores, presque toujours sur un tourne disque avec une console qui reproduisait un fois et une autre fois un refrain en vogue à l’époque en guise de pédale. C’est justement à un maitre de cérémonie (mc) du nom de Lovebug Starsky que l’on attribue le terme hip-hop qui semble être la partie d’une improvisation vocale.
On retrouve donc l’improvisation, non seulement comme colonne vertébrale du genre, mais également comme une claire évidence de son lignage africain.
Les bateaux négriers menés en Amérique ne transportèrent pas que des personnes et de la douleur. Nous avons déjà fait référence à la non-fragmentation ; et justement, le fait musical et fondamentalement le fait rythmique ne faisait pas partie d’autre chose que la vie même. Et plus encore, les corps des personnes. La musique de l’Afrique de l’Ouest nous montre que la rythmique n’appartient pas seulement au tambour, mais fondamentalement au corps même de l’être humain. Le battement des paumes de main, le mouvement du corps, la voix humaine, sont tous dépositaires d’une culture qui a traversé l’océan en se construisant et en se reconstruisant, nous laissant un héritage non seulement musical, mais plus encore, philosophique.
J’ai été surpris cette année par l’énorme accueil reçu par le séminaire d’appréciation de la musique afroaméricaine “Sonidos ecos y resonancias del océano”, que nous avons présenté les 12, 19 et 26 octobre 2008 au siège du Centre Culturel Paco Urondo, dépendant de l’UBA. Nous essayons de mettre en évidence une fois de plus, la présence de la culture traditionnelle de la côte occidentale de l’Afrique subsaharienne dans les différents genres de la musique populaire latinoaméricaine.
Il y a déjà quelques années que j’observe avec étonnement la grande avancée de ce qu’on appelle le Hip Hop dans la culture occidentale. Ce genre, en plus de pénétrer chaque fois plus dans presque tous les styles de la musique populaire possède une présence africaine évidente en plus des caractéristiques qui la rapprochent du paradigme de la musique d’origine.
Nous nous arrêterons maintenant pour analyser ces qualités qui font du Hip-hop un fidèle reflet qui unit les deux marges de l’Atlantique. Les cultures d’origine possèdent certains aspects qui les éloignent d’une certaine manière de la culture occidentale moderne. En premier lieu, on pourrait citer le phénomène de la non-fragmentation de la culture africaine traditionnelle. Cette non-fragmentation se fait évidente dans le fait que lors de l’événement culturel afro, l’art, la science, la religion et d’autres aspects de la vie se présentent comme une seule expression, un mouvement dans lequel la musique par exemple se trouve intimement liée à d’autres aspects de la vie.
Cela semble également être le cas du hip-hop, qui loin d’être un genre musical à la mode se présente comme un style de vie dans lequel la musique, la danse, les costumes, l’art du graffiti, l’idéologie et même l’attitude face au monde interagissent et appartiennent à un grand état de l’être.
Depuis les lointaines côtes de l’Afrique de l’Ouest jusqu’aux poètes du Bronx, l’improvisation est une ressource récurrente. Pilier dans le jazz, le hip-hop en tant que fidèle héritier appuie également sa colonne vertébrale sur les vers improvisés.
De plus, la polyrythmie est l’habitat naturel des deux cultures. Celle-ci, de même que les applaudissements, les cris, les plaintes, les battements des pieds au sol et la participation du public, ont survécu au passage des siècles sur les deux rives de l’océan.
Dans la musique traditionnelle yoruba on trouve diverses cellules rythmiques superposées, fonctionnant comme de véritables phrases rythmiques. Il ne s’agit pas d’une donnée de faible importance si l’on considère les points de vue déjà dépassés des anthropologues des débuts du siècle qui affirmaient que la musique africaine était pauvre dans sa mélodie. Il est ainsi intéressant de prendre en compte l’élément rythme comme de véritables phrases renfermant un grand concept, non seulement en relation à la polyrythmie mais également à la fonctionnalité de la musique.
Ce grand concept du rythme comme partie du corps de l’homme et par conséquent de sa musique se fait plus évidente dans le hip-hop et dans d’autres cultures héritières du fait africain.
À lire : la deuxième partie de cet article