Plusieurs cas de stérilisations contraintes de femmes porteuses du VIH ont été dénoncés en Namibie par une association de défense de femmes vivant avec le virus. Des médecins pratiquent une opération qui rend infertile sans les en informer correctement. Ces stérilisations ont de graves conséquences psychologiques et sociales sur les patientes. Une dizaine de cas seront présentés devant la justice mi-juillet.
En Namibie, des femmes séropositives sont stérilisées sans leur consentement lorsqu’elles se rendent dans des hôpitaux publics pour des soins. Plusieurs cas ont été signalés à la communauté internationale des femmes vivant avec le VIH (ICW). Cette association a menée une enquête auprès de 230 femmes contaminées par le VIH et a découvert que quarante d’entre elles ont été contraintes de se faire stériliser, sans en être correctement informées. Il est difficile d’estimer précisément le nombre de stérilisations contraintes, mais selon ICW elles concernent sans doute plus d’une centaine de femmes, en Namibie et dans d’autres pays africains [[En Afrique du Sud, en Zambie et en RDC notamment, cette méthode aurait aussi été appliquée]]. Dans la plupart des cas, elles ont signé un formulaire en anglais, sans comprendre le contenu, ou le personnel soignant a présenté cette opération comme un remède contre le sida. Des futures mères ont accepté la stérilisation car elle était présentée comme une condition pour avoir droit à une césarienne, un avortement ou un traitement. Souvent, elles ont appris ce qu’on leur a fait plus tard, lors d’une consultation. Cette situation est un drame pour les femmes qui veulent fonder leur famille. Elles sont victimes de troubles psychiatriques et rejetées par leurs proches.
Sur le site d’ICW, on peut lire le témoignage d’une femme qui a été diagnostiquée séropositive alors qu’elle était enceinte. Une des infirmières lui affirma que son bébé était probablement déjà mort à cause du virus, mais elle ne reçut aucun autre conseil. Déboussolée, elle tenta de se donner la mort en avalant un cocktail de produits. Lorsque le médecin lui conseilla l’avortement, elle pensait que son bébé avait été mis en danger par l’overdose de médicaments. Le gynécologue lui expliqua ensuite que l’avortement n’était possible que si elle acceptait de se faire ligaturer les trompes. Elle ne comprit qu’elle avait été stérilisée à cause du VIH que plus tard, en regardant son carnet de santé. « J’ai accepté seulement parce que je n’avais pas le choix mais penser à la possibilité qu’ils trouvent un médicament un jour, la possibilité d’avoir un enfant, venait à mon esprit. A partir de ce moment j’ai souffert d’une grande confusion émotionnelle», confie la jeune femme. Depuis son opération, elle suit un traitement à cause de problèmes psychiatriques. N’étant pas mariée et ne pouvant pas avoir d’enfants, elle se demande si un homme voudra d’elle : « Quand vous vous marriez et que vous ne pouvez pas avoir d’enfants, les gens vous crient dessus et c’est un problème», explique-t-elle. La jeune femme a également subi le rejet de sa famille qui ne comprend pas sa situation.
Les femmes séropositives victimes de discrimination
Le ministre de la santé et des affaires sociales namibien a été informé des 40 cas signalés à l’ICW. Dix-neuf cas de femmes stérilisées ont été pris en charge par le centre d’aide légale (LAC) qui présentera huit d’entre eux devant la justice le 17 juillet. LAC est un organisme namibien dont le département Aids law unit (ALU) aide les séropositifs en les informant de leur droit et en les aidant à entamer une action en justice en cas de discrimination. Les avocats du LAC accusent les médecins de discrimination envers des personnes vivant avec le VIH et d’atteinte au droit individuel de fonder une famille. Mais il leur faudra prouver que les médecins ont manqué à leur devoir d’information.
La stérilisation révèle un ensemble de discriminations envers les femmes séropositives, et plus particulièrement les futures mères. Il arrive que les infirmières refusent de les toucher lors des soins. De nombreuses rumeurs circulent sur le virus, et les médecins eux-mêmes semblent parfois mal informés. L’association ICW a interrogé des médecins de l’hôpital Oshikoto en Namibie. Ces derniers pensent que les femmes séropositives ne sont capables de s’occuper ni d’elles-mêmes ni de leurs familles et que, par conséquent, les médecins devraient prendre des décisions à leur place. L’un d’eux a déclaré qu’il agit pour le bien de la société en stérilisant les porteuses du VIH.
Le VIH peut se transmettre de mère à enfant lors de l’accouchement ou pendant l’allaitement. D’après un rapport publié par UNAIDS en 2007, 32% des femmes contaminées transmettent le virus à leurs enfants. Mais un traitement antiviral adapté sur la mère et l’enfant ainsi qu’une nourriture de substitution diminue ce risque jusqu’à 2%. En Namibie, entre 2007 et 2008, 15,3% de la population était contaminée par le VIH, dont plus de la moitié étaient des femmes, d’après le rapport sur le développement humain des Nations Unies. Beaucoup d’entre elles n’ont pas accès à la prévention de la transmission mère-enfant du VIH.