Des étudiants de l’Université Zumbi Dos Palmares racontent comment ils ont vaincu le préjugé racial


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Drapeau du Brésil
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Ils ont plusieurs choses en commun : tous les trois sont noirs, étudiants de quatrième année en Administration des entreprises à l’Université de la Citoyenneté Zumbi dos Palmares (Unipalmares) et stagiaires au sein de banques importantes de São Paulo. Mais au delà de tout cela, ils réunissent une caractéristique qu’ils tiennent à souligner: les trois ont vaincu les obstacles liés au préjugé et sont prêts à se battre pour rivaliser pour de meilleurs emplois, de meilleures fonctions et de meilleurs salaires. L’Unipalmares est une institution particulière qui aura formé sa première vague cette année. Elle est située sur Barra Funda dans la Zone Ouest de São Paulo, et compte 87% d’étudiants noirs ou afrodescendants – pourcentage qui n’est observé dans aucun autre établissement d’enseignement du pays.

Fille d’un père noir et d’une mère blanche, Denise dos Santos Soares, 29 ans a toujours étudié dans les écoles publiques. Fréquemment victime d’actes racistes, elle a toujours entendu dire par sa mère qu’elle ne devait jamais baisser la tête devant les problèmes. « Comme ma mère est blanche, quand on sortait ensemble, les gens demandaient si j’étais adoptée. C’était vraiment très méchant », se souvient Denise.

Comme elle avait obtenu un emploi dans le secteur commercial, Denise ne pensait pas à aller à la faculté. Sa mère lui a alors appris qu’elle avait entendu une publicité à la radio au sujet de l’Unipalmares. Elle s’informa sur le projet, et fut prise de passion. « Je venais de mettre fin à des fiançailles et je décidai de changer ma vie de façon radicale. Quand je suis entrée à l’Unipalmares, ma vie a complètement changé, je me suis engagée dans le mouvement noir et je suis devenue une meilleure personne », affirme-t-elle.

Par le biais d’un accord avec la faculté, Denise obtenait un stage à la banque Itaú, dans laquelle elle est depuis trois ans. « J’ai mis de côté mon registre précédent en portefeuille d’entreprise et je me suis plongée dans ce challenge. Pénétrer le marché du travail pour nous autres noirs est une conquête ardue, je ne pouvais pas rater cette chance », indique l’étudiante, qui affirme que les accords que l’Unipalmares a établi sont fondamentaux pour l’insertion des noirs dans le marché du travail sans préjugé.

La Faculté, un abîme

Luiz Henrique Ferreira, 31 ans était également élève dans une école publique et a même redoublé une année lorsque ses parents se sont séparés alors qu’il était encore adolescent. C’est à cette époque qu’il a commencé à travailler. « Je faisais du jardinage, je vendais des encyclopédies, j’ai été maçon. Mais mon premier vrai emploi c’était dans un supermarché comme emballeur », raconte-t-il.

Il a par la suite travaillé comme commis de bureau dans une agence de tourisme dans laquelle il a conquis sa place et a obtenu le poste d’assistant d’administration. « À cette époque, je commençais seulement à me réveiller concernant la question de la conscience noire. J’étais très radical, je croyais que tout était fictif, je croyais que l’université n’était pas un endroit pour les noirs et pauvres, c’était un abîme qui se trouvait dans la favela », affirme l’étudiant.

Le fait d’être passé par diverses situations contraignantes, entre elles des heurts avec la police, ont fait craindre à Luiz Henrique que la faculté lui soit hostile. Il ne pensait donc pas faire un cours de niveau supérieur pour cette raison. Mais, avec le temps, il comprit qu’une formation théorique était nécessaire pour qu’il puisse évoluer dans la profession. « Si je n’avais pas étudié, je serais resté en arrière ».

Luiz Henrique est allé s’informer de la proposition de l’Unipalmares et a lui aussi été enchanté par le projet. Il a alors décidé de faire le concours d’accès à l’université (vestibular) pour le plaisir d’étudier dans une université ayant des racines noires et non pour les cours. « Je veux mettre sur mon curriculum le nom de Zumbi dos Palmares. À la faculté, nous sommes effectivement vus comme des personnes égales. Je comprends maintenant que le ‘ monstre ‘ n’est pas aussi laid qu’il parait », dit-il.

L’étudiant qui a effectué un stage à Bradesco est actuellement fonctionnaire et dit qu’il portera son expérience aux petits de la banlieue où il a un groupe de hip hop. « Quand je serai formé, je souhaite donner des cours à l’Unipalmares pour rendre la connaissance que j’ai acquise. Je dois être multiplicateur, tel est mon engagement. Je vais montrer aux jeunes de la banlieue que l’université existe vraiment et que des chaises sont là pour être occupées par toute personne, noire ou blanche », affirme-t-il.

« Noir jusqu’aux os »

Aujourd’hui Edmilson Nascimento, 32 ans est un jeune homme mur et expérimenté dans tout ce qui a trait au préjugé. Il raconte pourtant qu’il a été révolté en entendant un patron dire de lui qu’il était un « noir à l’âme blanche ». « Son intention était de me faire un éloge, mais il n’a pas compris que pour moi ce qu’il avait dit était une offense. Je lui ai répondu que j’étais noir jusqu’aux os », se rappelle l’étudiant en dernière année d’administration de l’Unipalmares et stagiaire à la Citibank.

Désinhibé et assez éloquent, Edmilson affirme qu’il a beaucoup souffert du préjugé du fait qu’il est noir et également originaire du Nordeste. Il est né à Natal, et a grandi à Recife (PE). Puis il est parti à Salvador (BA), a vécu à Rio de Janeiro, à Curitiba (PR) et se trouve à présent à São Paulo. « J’ai déjà tout entendu. J’ai vécu diverses situations contraignantes. La faculté m’a beaucoup fait changer, principalement en ce qui a trait à la discrimination. Aujourd’hui, je vois la vie et les gens différemment », affirme-t-il.

Ancien critique implacable du capitalisme, Edmilson dit qu’il a appris qu’avant de critiquer quelque chose, il faut la connaitre en profondeur. Et c’est ce qu’il a fait lorsqu’il a eu l’opportunité de débuter une carrière dans la banque. « J’ai foncé et mon objectif à présent est de faire carrière dans la banque. Je travaille pour cela et je sais que je peux rivaliser en situation d’égalité. », disse.

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