La Tunisie fait encore une fois face à une nouvelle crise politique, suite au meurtre de l’opposant Mohamed Brahmi, tué par plusieurs balles, alors qu’il descendait de sa voiture devant chez lui. Quelles conséquences ce nouvel assassinat pourrait avoir dans le pays ? Le processus démocratique est-il menacé? Vincent Geisser, chercheur à l’Institut français du Proche-Orient de Beyrouth, analyse la situation.
Afrik.com : Comment expliquez-vous que six mois après l’assassinat de Chokri Belaïd, un nouvel opposant, Mohamed Brahim, subisse le même sort?
Vincent Geisser : Aujourd’hui, nous sommes dans une instabilité politique en Tunisie. Mais n’oublions pas que c’est un des rares pays dans le monde arabe qui poursuit son expérience démocratique, en ayant organisé des élections, et en ayant une Assemblée constituante. Beaucoup de gens n’ont pas intérêt à ce que la Tunisie, qui est l’un des plus petit pays dans le monde arabe, poursuive cette expérience démocratique. Pour beaucoup c’est, troublant, c’est dérangeant. Il y a des forces ennemies qui n’ont pas intérêt à ce que la Tunisie poursuive son processus démocratique.
Afrik.com : Quelles sont ces forces ennemies?
Vincent Geisser : Je ne sais pas. Ces forces ennemies peuvent surgir de nulle part. Elles peuvent se trouver partout dans le pays.
Afrik.com : Quelles conséquences ce nouvel assassinat va avoir dans le pays ?
Vincent Geisser : Cet assassinat est extrêmement grave! On vient de remettre en cause le processus électoral et constitutionnel qui était en cours dans le pays! Aujourd’hui certains sont prêts à tout pour interrompre ce processus électoral.
Afrik.com : Après l’assassinat de Mohamed Belaid, plusieurs milliers de manifestants ont réclamé la démission du gouvernement dirigé par Ennahda. Le gouvernement est-il menacé ?
Vincent Geisser : Bien sûr qu’il est menacé! Cet assassinat ne profite pas au gouvernement, contrairement à ce que certains peuvent penser! Le gouvernement qui a été élu démocratiquement n’a aucun intérêt à commanditer un tel crime. Aujourd’hui, la Tunisie pleure ! Tout le monde pleure en Tunisie! Et le gouvernement aussi est troublé par cet assassinat dont on va lui faire porter la responsabilité. Cet assassinat est triste pour la Tunisie !
Afrik.com : Cet assassinat montre que la révolution est toujours en cours?
Vincent Geisser : La révolution est toujours en cours en Tunisie. Elle produit des soubresauts, des troubles dans le pays. Il faut rester dans la normalité, c’est elle qui pourra sauver la Tunisie. Si l’Assemblée constituante tombe ce sera la fin de la démocratie en Tunisie et dans tout le monde arabe. Le danger c’est de voir ces grands théoriciens occidentaux dire, à la suite de ces troubles, qu’il ne peut pas y avoir de démocratie dans le monde arabe. Alors que ce n’est pas le cas. Il faut être très prudent sur tout ce qui se passe actuellement. Et ne pas faire d’amalgame.