Avec « Johnny Chien méchant », Emmanuel Dongala braque son talent littéraire sur la guerre civile. Regards croisés au Congo, des deux côtés du fusil. Côté chien, obéissance naïve et méchanceté gratuite. Côté proie, candeur rebelle et prix du sang.
L’horreur. Des deux côtés du fusil. Avec Johnny Chien méchant, Emmanuel Dongala braque deux regards sur une même guerre. D’un côté, le Congo de Johnny mêle les images d’une vraie guerre et les films d’action américains. Kalach’ au poing, Johnny joue au chat et à la souris avec les civils, viole et pille. Habitué à surmonter sa peur, à prendre tout ce qu’il peut prendre, à jouir des rares situations qu’il domine. De l’autre, le Congo de Laokolé. Enfant sage. Enfant victime. Réfugiée frappée par l’absurde de sa situation. « Je ne comprenais pas comment l’armée d’un pays pouvait assiéger un quartier de sa propre capitale et bombarder à l’arme lourde ses propres citoyens. (…) Je ne comprenais vraiment pas. » D’un côté, un jeune loup sans cervelle, de l’autre, l’agneau qui refuse sa destinée.
Johnny avance, Laokolé fuit
Ils se croisent. Alternance des chapitres, succession des voix. Ils traversent, l’un après l’autre, l’un avec l’autre, cette guerre que nous découvrons, de l’intérieur, par leurs yeux. Johnny avance, Laokolé fuit. Comme un pantin, le premier exécute les ordres, cherche la gloire, et sème l’enfer. Sa naïveté bestiale repousse loin de lui les sentiments. Parfois, une larme, un ami, un amour, qui s’évanouit. Ecrasé par un char ou tué par un autre soldat. « Ouais, le monde est plein d’injustice », pense parfois Johnny. Il tue, il viole, il vole et fait ce qu’on lui dit de faire, il fait ce qu’il peut, ce bon chien, pour se faire craindre et avoir l’air d’un chef cruel, mais lui aussi subit la guerre. Tandis que Laokolé, sensible, intelligente, apprend lentement la haine à force de lutter pour sa survie.
Des prémisses de la guerre à la fuite, des ambassades closes aux portes mal protégées du HCR, l’odyssée sanglante de Johnny et de Laokolé, jusqu’à leur rencontre, a des accents de vérité qui heurtent. En biais, le regard occidental sur une tragédie lointaine. Dans leur courses, Johnny et Laokolé croisent l’un et l’autre humanitaires et journalistes. Johnny Chien méchant, par le ton juste de deux subjectivités antagonistes, est une prouesse littéraire. Et ce roman d’aventure serait beau, s’il ne plongeait pas ses racines dans l’histoire présente.
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