Après maintes demandes auprès des autorités sénégalaises, la famille du Sénégalais Ismaila Faye, tué dans un bus à la gare routière de Kamra, à Rabat, la capitale du Maroc, a enfin pu récupérer ce mardi le corps du défunt pour l’enterrer dignement.
Le corps du jeune talibé Ismaila Faye, 30 ans, a été rapatrié ce mardi à Dakar, après insistance de la famille du défunt auprès des autorités sénégalaises. La famille et les proches du défunt, très populaire dans son quartier de Dakar, avaient menacé d’organiser une manifestation géante pour exiger le rapatriement d’Ismaila Faye de Fès. Dans un communiqué, le ministre délégué chargé des Sénégalais de l’extérieur, Seynabou Gaye Touré, a affirmé que « contrairement à certaines allégations, son département s’est bien impliqué dans le rapatriement du corps d’Ismaïla Faye ». Une affirmation loin d’être partagée par l’ensemble des proches du défunt.
Le jeune Sénégalais a été poignardé à la gare routière de Kamra, à Rabat, pour une histoire de place. Dans un bus, un Marocain aurait exigé la place du jeune talibé qui a tout simplement refusé de la lui céder. Son refus lui aura coûté la vie, mercredi 14 août. Il a été froidement poignardé à plusieurs reprises. Le meurtrier a été appréhendé vendredi par la police, l’enquête suit son cours.
Entre 200 et 300 personnes se sont rassemblées ce lundi à Rabat pour rendre un dernier hommage à cet expatrié sénégalais et dénoncer les actes de racisme dans le pays. Les médias locaux et les associations de défense des droits de l’Homme, dont l’Association marocaine des droits humains (AMDH), l’une des plus importantes au Maroc, ont dénoncé un crime xénophobe.
Cas isolé ou crime raciste ?
« Le racisme à l’égard des Subsahariens prend de l’ampleur », a déploré de son côté le quotidien Le Soir Echos. L’AMDH a publié un communiqué dans lequel elle appelait les Marocains à participer au rassemblement de ce lundi à Rabat « en hommage aux immigrés victimes du racisme au Maroc ». Quelque 200 à 300 personnes ont rendu un hommage à la mémoire du jeune homme devant la morgue de Rabat. La communauté subsaharienne au Maroc a exprimé son ras-le-bol contre les actes anti-noirs. Elle exige des actions concrètes. A ce propos, un projet de loi visant à sanctionner le racisme contre les Subsahariens a été déposé en juillet à la Chambre des représentants par le groupe parlementaire du PAM.
L’un des représentants de la communauté sénégalaise au Maroc, Job Adama, refuse de voir dans ce meurtre un acte raciste. Il s’agit selon lui d’un cas isolé. « Ce qui est arrivé est une tragédie (…) et cela aurait pu arriver n’importe où », a-t-il jugé. L’ambassadeur du Sénégal au Maroc, Amadou Sow, a également participé au rassemblement, mais n’a pas souhaité s’exprimer.
Ce décès d’un migrant subsaharien au Maroc intervient seulement quelques jours après celui d’Alain Toussaint, 40 ans, enseignant à Rabat, la capitale du royaume. Ce dernier rendait une visite à des amis à Tanger. Malgré la validité de sa carte de séjour, il a été embarqué lors d’une opération « nettoyage » qui visait à arrêter les sans-papiers. Alors que les migrants pensent être conduits au commissariat, le bus prend la direction d’Oujda, où ils sont abandonnés à la frontière algérienne, en plein désert. Pendant le trajet, Alex Toussaint tente de raisonner les policiers. Il est jeté hors du bus par l’un d’entre eux. Il décédera cinq jours plus tard à l’hôpital Mohammed V de Tanger.
D’après les chiffres des associations locales, ce sont entre 20 000 à 25 000 migrants subsahariens qui se trouvaient fin 2012 au Maroc. Le royaume n’est plus considéré comme un simple pays de transit, mais comme une véritable terre d’accueil qui oblige les autorités locales à revoir profondément leur système de parité.