Alors que la Tunisie entame une période électorale chargée d’espoir et de candidats,notamment avec les Législatives du 26 octobre, et les deux tours de la Présidentielle, le 23 novembre et le 28 décembre, un film d’investigation sur le fameux printemps tunisien tente de faire le buzz dans les salles parisiennes : « Démocratie année zéro », un bel élan romantique de Christophe Cotteret.
Attiré par l’odeur du jasmin et le mystère du hasard qui fait bien les choses, le réalisateur raconte fidèlement, en regard de grand reporter, la révolution tunisienne à travers un casting réussi des principaux opposants, insurgés et révolutionnaires tunisiens.
Le plus grand atout de ce film d’investigation sont les images des archives inédites filmées clandestinement, par les téléphones portables ou la caméra du photographe. Qu’il s’agisse des mariages au village, du bassin minier de Gafsa et de Redeyef, ville de l’insurrection de 2008, là où la mémoire de la révolution du jasmin a fleuri.
Lutte pour réduire l’écart économique entre les régions
Le montage du film aux 150 heures de rush est d’autant complexe que cohérent, le manque d’esthétique laisse place au réalisme des images tremblantes des téléphones des citoyens, matraqués, gazés, abattus. Mais aussi exhibées par le réalisateur dans les rues, les urgences et les morgues des hôpitaux, les images de sang et de massacres indignent et scandalisent. Les âmes sensibles n’ont pas été prévenues. La manifestation des femmes de Redeyef est, faut-il le souligner, un témoignage courageux et digne d’un trophée des meilleures actrices. Ce qui explique le choix du titre de la première partie du film : « Résistance ».
Le nœud ou le constat, est dans le deuxième chapitre du film intitulé « Démocratie », et suivi d’un point d’interrogation. Ce même bassin minier, qui pleure encore ses martyrs, continue la lutte pour réduire l’écart économique abyssal entre les régions du nord-ouest et les autres. C’est pourtant là que l’on trouve le phosphate, premier pourvoyeur de devises du pays, mais dont les habitants ne bénéficient pas, ni sous le régime de Ben Ali, encore moins après la révolution.
Tirer la leçon et poser les vraies questions
Depuis le tournage du documentaire, en 2012, quelques figures du casting ne sont plus de ce bas monde; l’avocat et activiste Chokri Belaid assassiné le 6 février 2013 devant son domicile, et Mohamed Brahmi est exécuté le 25 juillet de la même année. A ce jour, justice n’est pas rendue, leurs assassins sont toujours en liberté. Le sang des martyrs n’est pas honoré, la situation sociale sécuritaire et économique n’a jamais été aussi critique. Le journaliste Sofiane Chourabi est enlevé depuis quarante neuf jours en Libye. Rien ne va dans le pays du jasmin. La démocratie est toujours à son année zéro.
Le film sortira en salle le 5 novembre prochain, comme une piqûre de rappel de cette lutte tunisienne, qui témoigne un passé qui ne pardonne pas, et un peuple qui n’oublie pas. Mais l’avenir est fait pour en tirer la leçon.
Par Refka Payssan