Le président kenyan Mwai Kibaki a annoncé lundi la démission de deux de ses ministres impliqués dans un scandale de corruption portant sur une somme de 100
millions de dollars et limogé, dans le même temps, un autre de ses collaborateurs, son secrétaire particulier Matere Keriri.
Ces décisions interviennent dans le cadre de la campagne anti-corruption lancée pour nettoyer l’entourage présidentiel gangrené par la corruption.
Le ministre de l’Education, George Saitoti, ancien vice-
président et le ministre de l’Energie, Kiraitu Murungi, réputé très proche du président, ont présenté leur démission, cédant ainsi aux fortes pressions dont ils étaient l’objet après les nouvelles révélations faites devant la commission parlementaire compétente qui séjourne présentement à Londres.
M. Saitoti, un ancien vice-président du gouvernement de l’ancien président Daniel arap Moi, est impliqué dans le scandale Goldenberg portant sur 600 millions de dollars US et résultant de paiements effectués, sous l’administration de M. Moi, par la Banque centrale du Kenya au profit de personnalités politiques. Ces paiements étaient prétendus représenter des compensations pour exportation.
« Après un examen approfondi, j’ai accepté la décision de
l’ancien vice-président et actuel ministre de l’Education, le Pr George Saitoti, de quitter ses fonctions pour permettre le bon déroulement de l’enquête sur l’affaire Goldenberg et les questions qui se sont posées dans son ministère », a annoncé le président Kibabi dans une déclaration-choc qui a pris de court la population.
Des décisions prises sous la pression de l’opposition
Le président kenyan était soumis à l’intense pression de
l’opposition, animée par ses anciens alliés politiques, en
l’occurrence Raila Odinga, ancien ministre des Routes, qui avait fortement contribué au déclenchement de la campagne anti-corruption et l’ancien ministre de l’Environnement, Kalonzo Musyoka.
Ces deux figures marquantes du paysage politique avaient
auparavant promis de convoquer mardi à Nairobi une réunion des députés afin d’étudier les voies et moyens de contraindre le chef de l’Etat à rouvrir le Parlement afin de lancer les débats sur ces scandales qui mettent en jeu des millions de dollars.
« J’ai également étudié et accepté la décision du ministre de l’Energie, Kiraity Murungi, de démissionner pour permettre le déroulement sans entrave de l’enquête. J’exhorte tous les Kenyans à faire preuve de patience afin que tous les services d’enquête puissent mener leurs investigations à bon terme », a affirmé M. Kibaki.
Le rapport Goldenberg
Il a fait valoir que ces démissions faisaient suite à la
promesse qu’il a faite la semaine dernière, à l’issue d’une
réunion du Conseil des ministres, de poursuivre ce combat
« décisif et de grande portée », affirmant qu’il marquait le
passage de sa campagne anti-corruption à une nouvelle phase qui n’épargnera pas les hautes personnalités.
Le chef de l’Etat kenyan a fait part de sa volonté de
privilégier toutes les formes d’expertise, qu’elles soient
locales, régionales ou internationales, dans le cadre de sa
nouvelle campagne anti-corruption, indiquant qu’il a conscience que les Kenyans souhaitent mettre un terme au spectre des scandales de corruption afin de se focaliser sur le développement national.
S’exprimant après avoir annoncé la publication du rapport
Goldenberg, qui présente dans le détail les circonstances dans lesquelles le Kenya avait perdu, entre 1990-1993, quelque 600 millions de dollars au titre de paiements douteux effectués pour de prétendues exportations d’or et de diamant, le président Kibaki avait mis sur pied une nouvelle institution chargée de mener la nouvelle phase de lutte contre la corruption.
Le scandale des passeports infalsifiables
Pour sa part, M. Kiraitu Murungi est accusé d’avoir entravé les investigations relatives au scandale Anglo-Leasing Finance, portant sur 100 millions de dollars et dans le cadre duquel le gouvernement avait passé contrat avec une société fictive pour la livraison de passeports infalsifiables et de laboratoires de Police.
Vendredi, le ministre de l’Energie avait remis en cause
l’authenticité d’un enregistrement secret qui avait été diffusé sur les ondes de la BBC pour apporter la preuve qu’il avait tenté de faire obstruction à l’enquête.
Dans un communiqué, le ministre avait rejeté cet enregistrement, l’accusant d’être tronqué et peu convaincant, niant d’ailleurs dans le même temps tout comportement délictueux de sa part.
Le travail de John Githongo
« J’ai écouté les prétendus enregistrements présentés comme
éléments de preuve. Ils sont falsifiés, inaudibles, peu probants et irrecevables comme preuve crédible susceptible de conforter les allégations orchestrées par Githongo », avait fait valoir M. Murungi, dans un communiqué.
Ces enregistrements auraient été faits par l’ancien chef de la lutte anti-corruption, John Githongo, qui vit actuellement en exil à Londres.
La Commission des comptes parlementaires, qui a eu de très longs entretiens avec M. Githongo, rédige actuellement son rapport à Londres, son retour à Nairobi étant prévu dans le courant de la semaine.
Les deux ministres démissionnaires rejoignent ainsi l’ancien ministre des Finances, David Mwiraria, qui a démissionné il y a deux semaines, après avoir été cité parmi les principaux acteurs des tentatives d’obstruction de l’enquête sur le scandale Anglo-Leasing.