Delta du Niger : l’or noir, son grand malheur


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Drapeau du Nigeria
Drapeau du Nigeria

Le prix du baril du pétrole a passé, mardi dernier, la barre des 70 dollars à cause de l’Iran qui ne veut pas abandonner son programme nucléaire. Mais aussi du fait de la tension politique que connaît la région du Delta du Niger, à laquelle on doit plus de 80% du brut nigérian.

Le Nigeria peut se réjouir de la hausse du prix du pétrole sur le marché international, car elle compense la baisse de la production de brut de 500 000 barils/jour dues aux tensions politiques dans le Delta du Niger. Ce sont en substance, selon le quotidien nigérian This Day, les propos tenus, mardi, par le Dr. Edmund Daukoru, le ministre d’Etat nigérian chargé des ressources pétrolières et qui assure la présidence de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), lors d’une conférence de presse. Une assertion assez insolite quand on sait que ce climat de violence dans le Sud du pays, parce qu’il perturbe l’activité des pétroliers, est justement l’une des causes des records historiques atteints, ce même jour, par le prix du baril de pétrole qui a dépassé la barre des 70 dollars [[Du jamais vu si on ne tient pas compte de l’inflation. Car en 1981, le baril s’élevait à 40 dollars, ce qui correspond à environ 80 dollars aujourd’hui.]]. A Londres, ce jeudi matin, le baril de brent de Mer du nord (la référence européenne) était côté à 74 dollars.

Des revendications qui se radicalisent

L’autre raison et la plus importante, aggravée par l’annonce de la baisse des réserves américaines (les Etats Unis sont le premier consommateur de pétrole au monde avec 15%), étant la menace d’une invasion américaine en Iran. Ce dernier, qui produit 5% du pétrole mondial, refuse toujours d’abandonner son programme nucléaire. Le Nigeria, avec en moyenne ses deux millions de barils/jour – soit environ 3% de la production mondiale – dépend très fortement de sa production dans le Delta du Niger. Il compte à lui seul plus de 80% des ressources pétrolières du pays. Mais les populations locales réclament, aujourd’hui plus que jamais, « leur part du gâteau », voire leur indépendance. Comme le prône le Mouvement pour l’émancipation du Delta du Niger (MEND). Il a d’ailleurs refusé, mercredi, le plan de développement – il comporte notamment la création d’une centaine d’emplois et la construction d’un axe routier – proposé par le Président Olusegun Obasanjo pour apaiser les esprits dans une région où les violences se multiplient.

De fait, cette région du Sud du Nigeria est paradoxalement une des plus pauvres du pays. D’abord à cause des conséquences environnementales de son exploitation qui ont détruit des « zones maraîchères relativement riches », donc l’activité agricole, et un écosystème exceptionnel à plus d’un titre, explique Michèle Souaille, spécialiste du Nigeria à Amnesty International France. « Cela fait des années et des années (une quarantaine, ndlr), poursuit-elle, que les populations de ces régions protestent contre la dégradation de leur environnement». Quant à ceux qui avaient espéré tirer un profit économique de l’installation des compagnies de pétrole, ils ont perdu leurs illusions : elles ne font appel qu’à des experts étrangers. Le chômage s’est ainsi installé dans une région qui ne bénéficie « même pas de l’électricité ».

Redistribution de la manne pétrolière : « un problème très complexe »

Les seules infrastructures qui sont mises en place le sont souvent par les compagnies pétrolières installées dans la région dans le cadre de leurs opérations. Les mouvements de protestation sévèrement réprimés par l’Etat se sont, quant à eux, radicalisés pour donner naissance à des milices « lourdement armées ». L’exécution en 1995 de l’écrivain nigérian Ken Saro-Wiwa, leader du mouvement Ogoni (ethnie de la région), avec la complicité de Shell selon un rapport publié par l’ONG nigériane ERA, en est un exemple. Ces milices pillent le pétrole, face à une armée nigériane impuissante, en éventrant des pipelines, ou enlèvent des employés des firmes pétrolières comme le MEND l’a fait, en février dernier, avec neuf salariés du sous-traitant de la multinationale Shell. « Cette région est une véritable poudrière dans tous les sens du terme », conclut la spécialiste d’Amnesty International France. Un constat auquel est également parvenu un récent rapport commandé par le pétrolier anglo-néerlandais.

Pour Jean-Pierre Favennec, expert économique à l’Institut français du pétrole (IFP), « c’est le mécanisme de redistribution des richesses entre l’Etat fédéral, les états et les autorités locales qui est en cause ». Ce qui fait de la question du Delta du Niger, parce qu’elle touche au pouvoir fédéral, « un problème très complexe ». Tout en constatant que le cas de cette région n’est pas une exception dans la mesure où « l’argent du pétrole n’a pas vraiment contribué au décollage économique du Nigeria ». En attendant, les autorités nigérianes se heurtent à la détermination de différents mouvements dont les revendications ne laissent pas vraiment présager d’une prochaine accalmie. Les Ijaws, principal groupe ethnique du Sud du pays réunis au sein du Congrès national Ijaw (Inc), posait par exemple, dimanche dernier, comme condition au retour de la paix, l’accession d’un de leurs à la magistrature, en 2007, .

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