Une semaine de vacances au Soudan, ça vous tente ? Ce pays d’Afrique de l’Est, qui ne fait parler de lui qu’à travers la guerre au Darfour, a participé en septembre dernier à un salon professionnel consacré au tourisme africain. Le ministre de tutelle y a indiqué qu’il compte sur les investissements de la Chine, et non pas sur ceux des pays occidentaux.
Le Soudan ? « Un lieu de paix, de stabilité et de développement » ? Le ministère du Tourisme soudanais en est persuadé. C’est en tout cas le slogan qu’il a choisi d’inscrire sur un DVD de présentation de son pays, intitulé « Discover Sudan » (découvrir le Soudan), et distribué en septembre dernier, à Genève, lors du salon professionnel Tourism Africa 2006. Non contente d’avoir présenté un échantillon de son riche artisanat local dans le hall d’exposition, la délégation soudanaise avait réservé une salle de conférence afin d’y promouvoir son pays ainsi que les possibilités d’investissements. Hommes d’affaires et journalistes étaient cordialement conviés à la présentation.
Les quelques spectateurs rabattus pour assister à la conférence – le salon a été un échec en terme de visites – ont tous reçu leur DVD. Sur la pochette, figure un soleil incandescent prêt à se coucher dans un plan d’eau où flotte paisiblement un voilier traditionnel. Seul problème : maladresse, mauvais goût ou facétie de l’infographiste chargé de sa réalisation, l’image, saturée, est entièrement de couleur rouge sang. Le soleil brûlant, qui descend d’un ciel rouge vif, ne trouvera aucun repos dans le fleuve de la même couleur.
« Où voulez-vous aller au Soudan ? »
L’assistance n’avait pas besoin d’une telle métaphore pour que fuse la première question : « La sécurité est-elle assurée au Soudan ?». Joseph Dong, l’imposant ministre du Tourisme, ancien combattant du SPLM (Mouvement populaire de libération du Soudan), ne sourcille pas et répond : « Où voulez-vous aller ? Au sud, au nord, à l’est, à l’ouest ? Figurez-vous que Khartoum se trouve à plus de 2 000 Km des zones de combat dans le Darfour. Vous pouvez vous rendre partout au Soudan, sauf au Darfour », assure-t-il, oubliant la rébellion à l’Est du pays. Le gouvernement n’a signé un accord de paix avec elle que le 14 octobre dernier.
Et s’il n’était pas seulement question de sécurité, mais de dilemme moral. Peut-on envisager de visiter ou d’investir dans un pays dont les autorités sont désignées complices de graves violations des droits humains ? « Les pays occidentaux n’investiront pas au Soudan avant que ne soit signée la paix au Darfour, assure Joseph Dong. Mais nous n’avons pas besoin de leurs investissements. Nous travaillons déjà très bien avec les pays de l’Asie, comme la Chine ou l’Inde », explique-t-il, alors que ses collaborateurs présentent les opportunités d’investissements projet par projet, au mètre carré et au million de dollar près.
« Le plus long baiser du monde »
« Voyager partout sauf au Darfour», c’est d’abord au nord, expliquent les animateurs de la rencontre, où se trouvent les majestueuses pyramides de Méroé, ainsi que les temples et autres sites archéologiques de la Nubie soudanaise. « Qui sait aujourd’hui que nous avons au Soudan bien plus de pyramides et de vestiges archéologiques que l’Egypte ?», interroge Ali Mahgoub, le sous-secrétaire au ministère du Tourisme, présent dans la salle comme dans le film. Autre site touristique dont il n’est pas peu fier : le parc national de Dinder, au Sud-Est de Khartoum, ou encore Arkaweet, sur les collines, près de la Mer Rouge, où l’on trouve « un microclimat méditerranéen. Beaucoup de Soudanais y passent leur lune de miel », précise-t-il d’un air satisfait.
Le tourisme au Soudan, c’est aussi Khartoum, surnommée « le plus long baiser du monde » en raison de la forme que la confluence du Nil Blanc et du Nil Bleu y prend, poursuit le sous-secrétaire au ministère du Tourisme. Dans la bouche de Gaham Abdelgader, directeur du « Heritage tourism » (directeur du patrimoine), la diversité des tribus soudanaises, ailleurs source de conflit, devient une attraction culturelle grâce à la « diversité des traditions et des folklores ». Puisse ce message parvenir aux oreilles du président soudanais Omar el-Béchir !