L’immigration en France est à la fois un sujet “ chaud ”, reflet des échecs de notre société, mais aussi un enjeu politique et électoral. Mais qui sont finalement ces hommes et femmes venus en France pour travailler ou fuir la répression dans leur pays ? Un lieu de mémoire, qui ouvrira ses portes en 2007 à Paris, leur sera consacré. En attendant, le site Internet “ Leur histoire est notre histoire ” organise une exposition virtuelle sur l’immigration et explique les raisons de cette initiative.
Par Valentine Lescot
Une première dans l’Hexagone. La Cité nationale de l’histoire de l’immigration ouvrira ses portes début 2007, au sein de l’ancien Musée des arts d’Afrique et d’Océanie au Palais de la Porte Dorée à Paris. La France n’avait jamais consacré une institution culturelle à cette part encore trop méconnue de son histoire. Pour le moment, le site Internet du projet propose une exposition virtuelle sur ce thème, qui préfigure un peu le contenu du futur “ lieu de mémoire ”, et un fond documentaire consultable en ligne.
“ Leur histoire est notre histoire ”, titre le site à propos des immigrés qui forment et ont formé une bonne partie de la population française. Dès 1820 arrivent des Allemands, les premiers immigrés. Qui sont-ils ? Pourquoi viennent-ils ? Ce sont des paysans, en grand nombre, chassés par la crise agricole de leur pays. Des réfugiés politiques : socialistes, libéraux et démocrates fuyant le régime autoritaire de Metternish et Frédéric-Guillaume de Prusse. Des médecins, architectes, philosophes qui choisissent de s’établir dans la “ patrie des droits de l’Homme ”. Et enfin des artisans compagnons qui feront la réputation du Faubourg St Antoine à Paris. Autour de 1880, les Juifs d’Europe centrale et orientale leur emboîtent le pas. Ils espèrent “ vivre comme dieu en France ”, selon un vieux dicton yiddish. La réalité est tout autre, car ces immigrés travaillent dans des conditions difficiles. Souvent syndiqués, organisés en communautés, leurs réflexes communautaires sont accusés d’alimenter l’antisémitisme en France.
La France découvre ses étrangers
La France des années 20 commence à s’intéresser aux nouveaux venus, notamment ceux venant des colonies. Elle passe du racisme, dû à l’ignorance, au paternalisme plein de bonnes intentions. Caractéristique de son époque, une certaine Lucie Cousturier, dame de la bourgeoisie, se prend ainsi d’affection pour les tirailleurs sénégalais qui se trouvent encore sur le sol français après la guerre 14-18. Pour elle, il faut éduquer “ ces bons sauvages au comportement de grands enfants ” ! Par ailleurs, des artistes comme Picasso se mettent à collectionner les masques de l’art nègre, fascinés par les société dites “ primitives ”. Vient ensuite la Seconde Guerre Mondiale, à laquelle des Maghrébins, des Indochinois et des Africains (sub-sahariens), recrutés comme soldats, ont lourdement contribué. Cinq mille de ces hommes ont aussi rejoint les rangs de la résistance. Le site, documenté au fur et à mesure des travaux, arrête son histoire chronologique de l’immigration aux années 50 avec l’arrivée des Portugais et des Espagnols. Ces hommes fuient alors le régime franquiste (Espagne) ou salazariste (Portugal). Ce qui “ tombe bien ” car la France a besoin de main d’œuvre pour se reconstruire. Hispaniques et lusophones remplacent peu à peu les Italiens dont la migration se stabilise à cette période.
Outre l’histoire de l’immigration, traitée également sous forme de documentaire à visionner, le site propose à lire quelques dossiers spéciaux : “ La France qui gagne ”, “ De l’Islam en France et l’Islam de France ” et “ Le HLM ou le foyer ”. Vous pouvez également télécharger de nombreux documents officiels, comme le rapport sur le projet de la Cité sur l’histoire de l’immigration, commandé par le précédent gouvernement, ou le discours de Jacques Toubon, ancien ministre de la Culture.
La Cité lieu de débats et de rencontres
Un groupe de travail a été constitué pour “ rassembler, sauvegarder, mettre en valeur et rendre accessibles tous les éléments relatifs à l’histoire et aux cultures de l’immigration en France, notamment depuis le XIXième siècle ”, apprend-on sur le site. Il s’agit des membres fondateurs du Groupement d’intérêt public (GIP) : les ministères de la Culture, de la Ville et de l’Intégration, de l’Education Nationale et de la Recherche, le Fond d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD) et la Ville de Paris. La Cité sera un “ lieu de débats et de rencontres, de pédagogie, de formation et de recherche, de culture et de divertissement, proposant des projections de films, l’organisation de festivals, de concerts, de spectacles vivants (qui doit) s’adresser à un large public, entre autres de scolaires, mais aussi à des visiteurs plus avertis, et même à des spécialistes, chercheurs, étudiants… ”. En attendant, bonne visite en ligne…
Visiter le site “ Leur histoire et notre histoire ”