Mes chers amis, mes chers camarades, au nom de mes enfants de toute la famille Sankara et de toutes les familles éplorées du 15 octobre 1987, je vous remercie d’être venus si nombreux à l ‘occasion de la commémoration du vingtième anniversaire de l’assassinat de Thomas Sankara et de ceux qui sont tombés avec lui.
Je suis heureuse de pouvoir assister enfin avec vous à cet évènement pour lequel durant 19 ans je n’ai pu que vous faire parvenir des messages. Je vous remercie de votre soutien pour toutes ces années, pour votre courage et votre détermination à organiser cet événement qui est désormais célébré dans maintes villes du monde. Je me suis toujours interdit de venir me joindre à vous tant que le régime responsable de la mort de Thomas et de ses camarades ne nous avait pas rendu justice.
Nous sommes ici réunis au cimetière devant les tombes présumées de Thomas Sankara et de ses camarades, même si rien ne prouve qu’ils y sont ensevelis. Je me prosternerai symboliquement sur chacune d’elles, comme je le faisais avant de quitter mon pays. Je me permets de rompre mon serment de ne pas assister à cet évènement annuel, parce que la Campagne Internationale Justice pour Sankara a obtenu une victoire historique à l’ONU et parce que c’est l’année Sankara. Le comité des droits de l’Homme a considéré que l’affaire devait être ré-ouverte et a statué que :
« La famille de Thomas Sankara a le droit de connaître les circonstances de sa mort ». Le Comité considère que le refus de mener une enquête sur la mort de Thomas Sankara, la non-reconnaissance officielle du lieu de sa dépouille, et la non rectification de l’acte de décès constituent un traitement inhumain à l’égard de Mme Sankara et ses fils, contraire à
l’article 7 du Pacte».
«En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’Etat partie est tenu d’assurer un recours utile et effectif à Mme Sankara et ses fils consistant notamment en une reconnaissance officielle du lieu de sépulture de Thomas Sankara, et une indemnisation pour l’angoisse que la famille a subie»
«L’Etat partie n’a pu expliquer les retards en question et sur ce point, le Comité considère que, contrairement aux arguments de I’Etat partie, aucune prescription ne saurait rendre caduque l’action devant le juge militaire, et dès lors la non-dénonciation de 1’affaire- auprès du Ministre de la défense revient au Procureur, seul habilité à le faire. Le Comité considère que cette inaction depuis 2001, et ce, en dépit des divers recours introduits depuis par les auteurs, constitue une violation»
Nous encourageons le régime du Burkina Faso à respecter intégralement la décision onusienne afin de permette enfin une complète réconciliation nationale. Je vous remercie de vos prières et de votre solidarité. Je remercie la Campagne Internationale Justice pour Sankara, le mouvement Sankariste et tous les organisateurs de cet événement ici et dans le monde.
Comme c’est l’ONU qui nous a rendu justice voici ce que Thomas Sankara y a déclaré à la 39 session de l’Assemblée générale le 4 Octobre 1984 :
« J’ai parcouru des milliers de kilomètres. Je suis venu ici pour demander à chacun de vous que nous puissions mettre ensemble nos efforts pour que cesse la morgue des gens qui n’ont pas raison, pour que s’efface le triste spectacle des enfants mourant de faim, pour que disparaisse l’ignorance, pour que triomphe la rébellion légitime des peuples, pour que se taise le bruit des armes et qu’enfin, avec une seule et une même volonté, luttant pour la survie de l’humanité, nous parvenions à chanter en chœur avec le grand poète Novalis :
Bientôt les astres reviendront visiter la terre d’où ils se sont éloignés pendant nos temps obscurs ; le soleil déposera son spectre sévère, redeviendra étoile parmi les étoiles, toutes les races du monde se rassembleront à nouveau, après une longue séparation, les vieilles familles orphelines se retrouveront et chaque jour verra de nouvelles retrouvailles, de nouveaux embrassements ; alors les habitants du temps jadis reviendront vers la terre, en chaque tombe se réveillera la cendre éteinte, partout, brûleront à nouveau les flammes de la vie, les vieilles demeures seront rebâties, les temps anciens se renouvelleront et l’histoire sera le rêve d’un présent à l’étendue infinie. »
La patrie ou la mort, nous vaincrons ! Je vous remercie.