Déchets toxiques en Côte d’Ivoire : Trafigura s’achète une tranquillité


Lecture 3 min.
Logo de la société Trafigura
Logo de la société Trafigura

La très controversée société de négociation pétrolière Trafigura se retrouve une nouvelle fois pointée du doigt, avec la révélation par la presse britannique de preuves de son implication en 2006 dans l’intoxication de plus de 100 000 Ivoiriens par des déchets industriels à Abidjan. La société, qui refuse de reconnaître ses torts, est parvenue mercredi à un accord financier avec les victimes pour éviter un procès à Londres. Mais un autre procès, intenté par Greenpeace, est d’ors et déjà en cours à Amsterdam.

« On va payer ces mecs pour nous débarrasser de la merde ». Les extraits de courriels internes à l’entreprise britannique Trafigura, publiés ce jeudi à la une du Guardian, sont on ne peut plus explicites sur les méthodes douteuses utilisées dans le retraitement des déchets toxiques. Une tempête médiatique est désormais lancée contre le troisième négociant mondial de pétrole et de métaux, au lendemain pourtant d’un accord à l’amiable avec les associations de victimes. Elle sonne comme un retour de bâton pour le groupe, après ses multiples attaques judiciaires contre les médias ayant évoqué l’envoi de « slops » (résidus de pétrole) en Côte d’Ivoire. Le site de l’émission « Newsnight » de la BBC, attaquée par Trafigura, publie même l’intégralité des courriels, afin de montrer que les dénégations de l’entreprise pétrolière ne sont désormais plus crédibles.

500 tonnes de déchets ont été déversées à Abidjan en août 2006. « Chaque cargo nous rapporte 7 millions de dollars ! », s’exclame à ce propos un responsable. « Sacrément pas cher » (bloody cheap), puisque les trois voyages du cargo Probo Koala auront généré une économie totale de 21 millions de dollars (14 millions d’euros) par rapport aux prix européens. Après avoir tenté de faire retraiter illégalement ses résidus pétroliers aux Pays-Bas, la société a choisi délibérément de les envoyer en Côte d’Ivoire, pour les répandre dans les décharges d’Abidjan. « Il est triste d’en être arrivé à cette catastrophe ! La population a été sacrifiée et les gens sont très affectés moralement et physiquement », explique Claude Gohorou, porte-parole de l’association des victimes ivoiriennes. Plus de 100 000 personnes ont été atteintes par les émanations toxiques, et 18 d’entre elles sont même décédé suite à une surexposition, selon un rapport de l’ONU

Trafigura défend son innocence, et sort son carnet de chèques

Trafigura, que nous n’avons pas réussi à joindre, a accepté mercredi selon The Independent de verser plusieurs millions d’euros pour l’indemnisation de 30 000 victimes, contre le retrait d’une plainte déposée à Londres. En 2007, l’Etat ivorien avait déjà accepté le financement par la société pétrolière du nettoyage des sites et une indemnité globale de 100 milliards de FCFA (152 millions d’euros), contre l’abandon de tout procès et la libération des cadres de l’entreprise emprisonnés depuis plusieurs mois. En août, L’Inter notait que 73 000 personnes avaient reçu leurs indemnités. Tous les plaignants ont donc obtenu gain de cause et Claude Gohorou se « félicite de l’accord conclu avec Trafigura ». Il regrette simplement de « ne pas avoir obtenu une somme plus importante » et déclare à présent « laisser la justice internationale statuer sur la question et définir les responsabilités ».

Le procès, prévu pour octobre à Londres, aurait été le plus important concernant une entreprise de l’histoire de la Grande-Bretagne. Mais tout n’est pas terminé pour Trafigura, car Greenpeace a lancé ce mercredi un recours aux Pays-Bas.

L’affaire des déchets d’Abidjan n’est pas le premier fait d’arme de la société. The Guardian énumère les opérations frauduleuses de Trafigura : contrebande de pétrole sous l’embargo irakien, corruption politique pour un marché pétrolier jamaïcain, fraudes au retraitement en Norvège… La Côte d’Ivoire figure à présent dans son tableau de chasse, au grand malheur des 100 000 victimes. Les profits de l’entreprise se sont élevés en 2008 à 440 millions de dollars, soit 295 millions d’euros.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News