Déchets toxiques : Abidjan souillée, victimes insultées


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Les autorités ivoiriennes ont annoncé, jeudi, la répartition des 100 milliards de F CFA reçus, en guise de compensation, de Trafigura pour le déversement de déchets toxiques en août 2006. La mutinationale hollandaise est l’affréteur du navire qui a transporté ces déchets en Côte d’Ivoire. Les victimes et leurs familles se sont dit insultées par les sommes offertes.

Les indemnités que propose le gouvernement ivoirien aux victimes des déchets toxiques déversés dans la capitale ivoirienne, Abidjan, en août 2006 sont, selon elles, insuffisantes. La répartition des 152 millions d’euros, soit 100 milliards de francs CFA, versés en compensation à l’Etat ivoirien par la société hollandaise, Trafigura, l’affréteur du navire qui a transporté les déchets, a été rendue publique jeudi dernier. Sur les 100 milliards négociés avec la firme hollandaise et formalisé par un accord signé le 13 février, 5 milliards seront affectés à la construction d’une usine de traitement de déchets ménagers. Les 95 autres iront aux victimes et à l’Etat ivoirien. Ce dernier devrait toucher à lui seul 50 milliards de dollars, sur un total de 68,6 milliards, et répartir le reste aux collectivités locales qui ont été touchées. Ces 50 milliards devraient servir à couvrir les « engagements financiers déjà pris par le gouvernement pour faire face aux problèmes immédiats posés par cette catastrophe », précise le communiqué de la présidence ivoirienne.

Le reliquat de ces 95 milliards servira, quant à lui, à indemniser les victimes et leurs familles. Ainsi, celles de chacune des 16 personnes décédées à cause de ces déchets toxiques devraient toucher 200 000 dollars (100 millions de F CFA). Les 76 personnes hospitalisées se partageraient 4 00 dollars chacune et les plus de 100 000 victimes non hospitalisées, 408 dollars. Une somme que Denis Papira Yao, président de la Fédération nationale des victimes des déchets toxiques de Côte d’Ivoire (Fenavidet-CI) considère comme une « insulte ». « C’est insignifiant. Autant ne rien leur donner du tout », a-t-il confié à l’agence Reuters. « Si le président ne nous reçoit pas et maintient son projet, les victimes s’y opposeront par tous les moyens. »

L’Etat ivoirien veut couvrir ses dépenses au détriment des victimes

Les victimes estiment en effet que les sommes sont en deçà des frais qu’elles ont engagés pour se faire soigner et regrettent de ne pas avoir été associées à la fixation des indemnités. La Fenavidet-CI avait à ce propos exprimé son souhait de collaborer avec la Cellule présidentielle chargée du suivi des catastrophes naturelles et humaines érigée dans le cadre de l’affaire du Probo Koala. Les « rescapés » du navire pollueur étaient déjà descendus dans la rue pour manifester leur impatience de percevoir les indemnités promises depuis la signature du protocole entre la firme Trafigura et le chef de l’Etat ivoirien Laurent Gbagbo. Un accord vivement critiqué par plusieurs responsables ivoiriens et des diplomates étrangers qui ont estimé qu’ils consacraient l’absence d’Etat de droit. En versant le montant réclamé par la Côte d’Ivoire, la multinationale s’est prémunie de toute poursuite judiciaire. Trafigura, qui doit également prendre en charge dans le cadre de ce protocole « la dépollution complémentaire des sites » contaminés est encore en négociation avec le gouvernement ivoirien à ce sujet.

La facture de 250 milliards de F CFA que les Ivoiriens comptent lui imposer contractuellement ne paraît pas lui convenir. Depuis mars dernier, les autorités ivoiriennes ont par conséquent suspendu les travaux de dépollution effectués par la société française Séché. Abidjan veut d’abord s’assurer que Trafigura paiera. Des tergiversations dont les premières victimes seront les Abidjanais. Tous les sites qui ont accueilli, les 19 et 20 août 2006, les 528 m3 de déchets toxiques n’ont pas été traités et avec l’arrivée de la saison des pluies, les eaux de ruissellement risquent de les transporter aux quatre coins de « La perle des Lagunes ». Une dénomination qui sonne comme une usurpation quand on sait le dépotoir qu’Abidjan est devenu.

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