Le saxophoniste ténor Manu Dibango compte parmi les nombreuses victimes du coronavirus : né le 12 décembre 1933, à Douala, le musicien camerounais nous a quittés ce 24 mars. La mort d’Emmanuel N’Djoké Dibango, de son vrai nom, a laissé une certaine amertume face au manque de reconnaissance des artistes au Cameroun. L’écrivain et poète camerounais Timba Bema propose ici de créer un lieu, un Panthéon, pour leur rendre hommage.
La progression du Covid-19 ébranle toutes les sociétés humaines dans leurs fondements. Elle les met à l’épreuve de la solidarité, du souci de l’autre, de l’empathie, comme des moyens de surmonter dignement cette difficile épreuve. Comme toute tragédie, la pandémie du Covid-19 nous rappelle combien la vie est exceptionnelle à l’échelle de l’univers connu et doit par conséquent être préservée, célébrée, magnifiée.
Oui, Manu Dibango est décédé du Covid-19. En l’état actuel des choses, sa dépouille ne pourra pas rentrer au Cameroun. Le génie de la musique qu’il était mérite bien sûr des hommages nationaux lorsque les conditions seront favorables. Toutefois, le Cameroun doit comprendre qu’un génie de sa trempe ne surgit pas à chaque génération. Il est pour la musique camerounaise ce que Bach est pour la musique allemande : un grand précurseur.
Le Cameroun a eu un autre génie de la même trempe à savoir Francis Bebey. Il n’a toujours pas saisi l’occasion d’en préserver la mémoire, ce qui est regrettable. Pour ces raisons, la prise de conscience doit se faire sur la nécessité de construire un panthéon, où reposeront les hommes et les femmes qui auront marqué la nation, à commencer par Manu Dibango.
Manu Dibango fut un grand homme. Il a toujours porté le Cameroun dans son cœur en conservant jusqu’à la mort son passeport, alors qu’il aurait pu sans difficulté aucune adopter une autre citoyenneté. Avant que les Lions Indomptables de football soient connus dans le monde, Manu Dibango avait déjà porté aux confins de notre petite planète le nom du Cameroun. Il en a été le premier ambassadeur.
Son génie a attiré l’attention des mélomanes du monde entier sur le Cameroun dont il a su si bien exalter les musiques traditionnelles, ce Cameroun dont il a su mettre en avant les meilleurs instrumentistes. Au point où, à une certaine époque, on a pu parler d’une école Manu Dibango.
Le Cameroun doit sortir grand de la pandémie du Covid-19. Pour cela, notre pays doit apprendre à honorer ses grands hommes et femmes afin que leur nom et surtout leur héritage soit connu et prolongé par les générations futures. Le Cameroun doit apprendre à célébrer dans la durée ses talents, ce qui passe nécessairement par la création d’un panthéon.
L’idée d’un panthéon n’est pas étrangère aux différentes cultures camerounaises puisque les tribus continuent d’entretenir une relation aux morts. On les enterre à proximité des demeures, on leur rend visite aux cimetières, on honore les crânes, etc. aussi loin de l’ethnologie nous permet de retracer les cultures camerounaises actuelles, la relation aux morts, aux morts illustres, s’entend, a toujours occupé une place importante dans les activités des vivants.
Par Timba Bema