C’est la troisième fois en un an que Idriss Déby Itno et Omar el Béchir prennent l’engagement de ne plus soutenir de rébellions contre leurs voisins. Les présidents tchadiens, soudanais et centrafricains, qui se sont rencontrés en marge du sommet Afrique-France, à Cannes, acceptent également le déploiement d’une force armée à leurs frontières, dirigée par l’ONU et l’UA.
Est-ce un signe ? C’est à Cannes, dans la capitale du cinéma, que les présidents tchadiens, soudanais et centrafricains ont signé jeudi soir, en marge du sommet Afrique-France, un accord selon lequel ils s’engagent à « respecter les souverainetés et à ne pas soutenir les mouvements armés » agissant sur leurs territoires. Idriss Déby Itno, Omar el Béchir et François Bozizé affirment souhaiter « la mise en place d’instances de concertation active entre le Soudan, le Tchad et la Centrafrique ». En présence des chefs d’Etat français Jacques Chirac, égyptien Hosni Moubarak et ghanéen John Kufuor, président en exercice de l’Union africaine (UA), les trois hommes ont indiqué « soutenir la poursuite de l’engagement de l’ONU et de l’UA ».
Le Tchad et le Soudan auraient ainsi pu fêter un précédent accord paraphé le 8 février 2006, à Tripoli, sous la tente du Guide de la révolution libyenne Mouammar Kadhafi. Il prévoyait notamment « l’interdiction d’accueillir des rebelles des deux pays sur leurs] territoires ». Il n’a jamais été respecté. Les relations diplomatiques entre les deux pays ont bien été rétablies, mais pour être de nouveau rompues par le gouvernement tchadien, en avril 2006, quelques semaines après la [tentative de prise de pouvoir du FUC (Front uni pour le changement démocratique). N’Djamena et Bangui accusent Khartoum de soutenir les rébellions hostiles à leurs régimes et le Soudan accuse le Tchad d’abriter les rebelles du Darfour sur son sol.
« Vous devez combattre le régime tchadien à partir du Tchad »
Réélu à la tête du Tchad en mai 2006, le président Déby a dépêché son ministre des Affaires étrangères à Khartoum, à partir de juillet, en vue d’une reprise du dialogue avec son voisin. Le processus a abouti le 8 août, toujours sous l’égide de Mouammar Kadhafi, à un engagement des chefs d’Etats tchadiens et soudanais à rouvrir leurs ambassades et leur frontière commune, ainsi qu’à « oeuvrer pour le renforcement de la paix entre les deux pays ». Le président Deby insistant « sur la présence nécessaire d’une force neutre pour surveiller la frontière ». Trois semaines plus tard, lors d’une nouvelle visite à Khartoum d’Ahmat Allami, le ministre tchadien des Affaires étrangères, les deux pays ont convenu d’établir un comité militaro-sécuritaire, en plus de l’organisation de forces conjointes pour contrôler leurs frontières.
« C’est la seule fois où Khartoum a réellement demandé à l’opposition armée de quitter son territoire », se souvient Ahmat Yacoub, opposant politique au régime tchadien réfugié en France. « Ils nous ont dit qu’ils reconnaissaient le président Déby et que nous avions le choix entre nous rallier à N’Djamena, rentrer combattre le régime à partir du Tchad ou déposer les armes et réclamer le statut de réfugié au Soudan », précise l’ancien secrétaire général du FNTR (Front national du Tchad Rénové), qui figure sur une liste de personnalités recherchées récemment publiée par le gouvernement tchadien. Avant que la mesure n’ait pu être appliquée, une attaque de rebelles au Darfour a de nouveau semé la confusion à Khartoum. Le 25 octobre, le Tchad a de nouveau accusé le Soudan d’être derrière une attaque de l’opposition armée sur son territoire.
« Restaurer la confiance »
Jeudi, la présidence française, consciente des difficultés, a relativisé la portée de la « déclaration de Cannes » en indiquant qu’elle visait d’abord à « restaurer la confiance » entre les parties. Plus tôt dans la journée, Jacques Chirac a de nouveau appelé le Soudan à accepter le déploiement d’une force de paix au Darfour. Une résolution (1706) du Conseil de sécurité de l’ONU l’autorise depuis le 31 août 2006 mais le gouvernement soudanais s’y oppose.
Depuis quelques semaines, de nombreuses voix, telles celles de parlementaires de l’Union européenne ou de Bernard Kouchner, réclament une intervention avec ou sans l’accord de Khartoum. C’est également le cas d’Abdelwahid Mohamed Ahmed al-Nour, le chef de la frange du MLS (Mouvement/Armée de libération du Soudan) non signataire de l’accord d’Abuja. Tous reprochent au président Omar el Béchir d’être juge et partie.
Accord pour une force armée aux frontières
En attendant, vendredi, John Kufuor a annoncé lors d’une conférence de presse que les chefs d’Etat tchadiens, soudanais et centrafricains « ont accepté que le Conseil de sécurité de l’ONU et l’Union Africaine soient à la tête de forces déployées aux frontières des trois Etats où elles circuleront pour prévenir les troubles et empêcher les trafics d’armes ». Le président de l’UA ne dit pas quels pays participeront à cette force, ni sous quelle bannière elles se déploiera.
Le risque en Centrafrique a baissé depuis que le général Abdoulaye Miskine, qui commande le FDPC (Front démocratique du peuple centrafricain), a signé le 2 février dernier un accord de paix avec le gouvernement centrafricain, à Syrte (Libye), sous l’égide du chef de l’Etat libyen. Le texte associe l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), une autre faction rebelle qui devra parapher l’engagement. Celui-ci prescrit le cantonnement des troupes de l’opposition armée en Centrafrique, sur un lieu à convenir, en attendant leur intégration dans les rangs des forces de défense et de sécurité ou leur réinsertion dans la vie civile.
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