Comme chaque année, les musulmans du monde entier accueilleront le mois sacré en rangs dispersés. Ainsi, le Ramadan a débuté hier en Libye et au Nigeria. En revanche, ce n’est qu’aujourd’hui que les musulmans ont commencé à jeûner en Algérie, en Egypte, en Arabie Saoudite, au Yémen, aux Emirats arabes unis, en Syrie, au Qatar, au Koweït et dans les territoires palestiniens, ou encore chez les chiites du Liban. Par contre, les Iraniens et les Pakistanais ont fixé à demain mardi le début du mois de Ramadan.
Les tentatives d’unification du début du Ramadan, entreprises notamment par l’Organisation de la conférence islamique depuis les années 1970, se sont toujours heurtées aux divergences d’ordre politique ou tout simplement aux désirs autoritaires des gouvernements d’être l’unique arbitre pour fixer la date. « C’est ainsi qu’on brise le concept de la oumma, la communauté de tous les musulmans au-delà de leur différence de nationalité », indique un scientifique algérien de l’association astronomique Sirius. Certains pays musulmans projettent leurs querelles politiques sur le terrain de la religion, comme le rappelle à l’AFP l’analyste égyptien Diaa Rachwane, du centre d’études stratégiques d’Al Ahram, qui évoque l’exemple de la Libye. Un pays qui, pour se démarquer de l’Arabie saoudite avec qui elle entretient des relations houleuses, a à maintes reprises décidé de jeûner avant ou après les autres. Il y a aussi le cas de l’Iran, qui pour l’occasion impose la distinction entre musulmans chiites et musulmans sunnites. Mais souvent, il n’existe même pas de règle précise pour la définition du début du mois sacré. Si les Etats musulmans font semblant de tendre l’oreille aux différents et sérieux comités scientifico-religieux, ils finissent invariablement par imposer leur propre calendrier lunaire, presque en improvisant les démarches, en l’absence d’une haute autorité unifiée.
L’Algérie ne fait pas exception
« En Algérie, les autorités concernées choisissent parfois les observations des 40 comités de wilaya et parfois s’alignent sur l’Arabie saoudite », a indiqué hier à El Watan Jamel Mimouni, professeur de physique à l’université Mentouri de Constantine, président de l’association Sirius d’astronomie et membre du bureau exécutif de l’Union arabe de l’astronomie et des sciences de l’espace. Dans un article paru sur oumma.com en octobre, le même scientifique s’étonnait que le comité des croissants lunaires du ministère des Affaires religieuses ne mobilise pas les moyens scientifiques disponibles, au moins pour la consultation, tels que le CRAAG, les centaines de chercheurs en physique du ministère de l’Enseignement supérieur, la Société algérienne de physique, le Centre des techniques spatiales d’Arzew, l’Office national de la météorologie, etc.
Situation ambiguë
Par exemple, a expliqué M. Mimouni, durant la nuit du doute, nous risquons de vivre une situation ambiguë. Dans son communiqué sur le début du Ramadan, l’association Sirius indiquait que « le croissant lunaire est impossible à voir de la plupart des contrées se situant dans l’hémisphère Nord ; celui-ci pourra être observé avec des instruments optiques dans les régions proches de l’Equateur et même à l’œil nu dans les régions de l’hémisphère Sud, en particulier l’Afrique du Sud où le croissant sera au-dessus de l’horizon de 11° (ville de Cap Town) ». « Deux scénarios se profilent donc. Ou l’on compte sur les 40 comités de wilaya, qui d’ailleurs ne verront pas le croissant de lune puisque cela est impossible du point de vue de l’astronomie, ou bien l’on s’accorde avec la vision du croissant avec son observation à Cap Town en Afrique du Sud comme l’on a procédé, il y a deux ans, en coordination avec l’ambassade algérienne en Afrique du Sud », a expliqué le scientifique, qui s’est dit curieux de savoir pour quelle règle les autorités concernées vont pencher. « Les “anciens” défendent la thèse de la vision du nouveau croissant avec un tel acharnement que l’on pourrait croire que le jeûne est dédié au croissant. Or, le croissant lunaire permet seulement de déterminer un moment, tout comme le soleil permet de déterminer les cinq moments de prière dans la journée. Comble de l’ironie, l’on accepte bien de calculer ces moments de prière à l’aide d’une montre, ce qui est bien commode quand le temps est couvert, et personne ne semble s’en offusquer », écrivait à juste titre un chroniqueur sénégalais la semaine dernière sur sudonline.sn.
Par Adlène Meddi, pour El Watan