Le député malgache Louis Zafisolo en est convaincu, son île chérie ne s’en sortira pas tant que les femmes ne s’empareront pas de la politique. C’est pourquoi il les y forme, depuis moins d’un an, avec son association « Avenir ». Rencontre à Tripoli, à l’occasion du « Sommet mondial de la jeunesse africaine, avec cet ancien militant du Mouvement national pour l’indépendance de Madagascar.
Louis Zafisolo est persuadé que l’avenir de son île, Madagascar, passe par les femmes. C’est pourquoi il tente depuis moins d’un an, avec son association « Avenir », d’initier les jeunes Malgaches à la politique. Lui-même militant de la première heure au sein du Mouvement national pour l’indépendance de Madagascar, puis du parti socialiste MFM, il est aujourd’hui député élu à Ambovombe, au sud de l’île et est persuadé que les chefs d’Etat de son pays ne sont pas assez « professionnels ». Rencontre, à Tripoli, à l’occasion du « Sommet mondial de la jeunesse africaine ».
Afrik : Quel est le but d’Avenir ?
Zafisolo Louis : Notre objectif est d’impliquer les femmes dans la politique. Nous avons commencé notre action à l’université, afin que le message que nous adressons aux étudiantes puissent faire tâche d’huile ; elles sont à même d’en faire part à leur entourage. J’ai décidé de m’intéresser particulièrement aux femmes car je crois qu’elles sont plus méthodiques que les hommes, qu’elles ont plus de sang-froid. Il ne faut néanmoins pas les isoler, c’est pourquoi de jeunes hommes participent également à nos groupes de discussion.
Afrik : Concrètement, comment travaillez-vous ?
Zafisolo Louis : Nous organisons des rencontres et des discussions, nous recherchons des financements pour que les participantes puissent réaliser des animations, qu’elles prennent conscience qu’aucun développement ne sera possible sans elles. Il ne s’agit pas de former un parti, mais de les faire s’intéresser à la vie et à la gestion de la « Cité ». Nous avons démarré au milieu de l’année dernière. Notre travail est assez poussé dans le Sud, où j’ai ma circonscription. Il l’est un peu moins dans le Nord, où je me rends durant les sessions parlementaires.
Afrik : Avec quel but menez-vous ces actions ?
Zafisolo Louis : J’ai constaté que tous nos Présidents précédents ont accédé au pouvoir sans être des hommes politiques « professionnels ». Dans le sens où c’est en arrivant au pouvoir qu’ils pensent à ce qu’ils vont faire. Alors ils tâtonnent. Lorsqu’ils sont en tournée, ils voient les femmes souffrir du manque d’eau, et disent qu’ils vont tout faire pour résoudre ce problème… seulement quand ils les voient avec un seau sur la tête. Or, c’est une question nationale à laquelle ils auraient dû penser bien avant. Et jusque-là, il n’est pas réglé.
Afrik : Les femmes participent-elles à la gestion politique de Madagascar ?
Zafisolo Louis : Elles sont dix parmi les 160 députés qui composent le Parlement. Le ministre de la Justice, Lala Ratsiharovala, est une femme, et elles sont une dizaine sur 90 au Sénat.
Afrik : La question des femmes en politique fait-elle débat à Madagascar ?
Zafisolo Louis : Il n’y a pas vraiment de débat. Le Président a indiqué que leur promotion était l’un de ses objectifs, mais il n’a pas de programme sur cette question.
Afrik : Etes-vous prêt pour les « Etats-Unis d’Afrique », le projet de Muhamar Kadhafi ? Il a dans son discours fustigé l’attitude du précédent Président malgache, Didier Ratsiraka, qui refusait l’Union africaine car il ne voulait pas que son pays change d’hymne, de drapeau…
Zafisolo Louis : Créer une Union africaine ne signifie pas changer d’hymne ou de drapeau. Regardez l’Union européenne, la France, l’Allemagne… chaque pays garde ses symboles, ce qui ne les empêche pas de collaborer économiquement. Il n’est pas facile de se dire optimiste pour les Etats-Unis d’Afrique, mais j’aimerais qu’ils soient réalisés. Cela prendra cinquante ans, un siècle, avec les générations suivantes. Mais il faut commencer aujourd’hui, en réveillant ces générations. Le problème reste l’ingérence des Etats-Unis d’Amérique, de l’Europe voire de la Russie. Lorsqu’un pays africain fait un pas pour destituer un chef d’Etat, les anciennes colonies bloquent et donnent des armes. C’est pourquoi, pour que les choses changent en Afrique, il faudra également compter sur un changement des mentalités des futures générations européennes.