Depuis quelques jours, les dirigeants politiques de l’alliance pour la république et la démocratie (ARD), une plateforme de l’opposition congolaise et une partie des membres de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) de l’ex-président Pascal Lissouba, demandent au gouvernement en place l’organisation d’états généraux de la nation pour, semble-t-il, définir une nouvelle gouvernance au Congo Brazzaville.
Au regard du fonctionnement actuel, l’idée des états généraux de la nation paraît séduisante. Mais, s’agit-il vraiment de cela ? La conférence nationale souveraine tenue de février à juin 1991, au-delà de ses insuffisances, avait fait un réel diagnostic du pays.
Pourtant, il est aujourd’hui surprenant de voir que les mêmes personnes qui avaient dressé le bilan du pays, qualifié de catastrophique en 1991, demander à nouveau des états généraux de la nation sans avoir fait celui des acteurs politiques dont ils font partie. Face à cette situation, une question se pose : faut-il demander ou exiger l’organisation des états généraux de la nation sans faire celui des acteurs politiques congolais ?
Situation sociopolitique actuelle au Congo Brazzaville
En effet la « démocratie » congolaise va mal. A la suite du vent de la démocratisation qui balayait l’Afrique subsaharienne à partir de 1990, le Congo Brazzaville avait opté pour la démocratie avec la pression de l’ancienne et puissante centrale syndicale, la confédération syndicale congolaise (CSC). Cette pression aboutît à l’organisation de la conférence nationale souveraine, grand-messe censée faire l’état de la nation après des décennies de monopartisme.
Ce fut véritablement un grand moment de l’histoire nationale avec plus de 1200 délégués, qui permit aux conférenciers de faire un diagnostic de la situation du pays afin de poser les bases du futur état de droit au Congo Brazzaville. Des décisions importantes furent prises. Le président Denis Sassou Nguesso au pouvoir à l’époque perdit l’essentiel de ses pouvoirs au profit du premier ministre André Milongo élu par les conférenciers, chargé de composer un gouvernement de transition d’union nationale. Un Conseil national de transition fut mis en place. Le gouvernement de transition se chargea d’organiser des élections libres et transparentes et Pascal Lissouba fut alors élu à l’issue de celles-ci.
En 1997, le pays connaît une guerre civile qui oppose les partisans de Denis Sassou Nguesso, à ceux de Pascal Lissouba, après des premiers troubles politiques en 1993. Cette guerre se termine par la victoire militaire de Denis Sassou Nguesso. Un coup fatal est alors donné à la jeune démocratie congolaise.
Après l’organisation d’un dialogue national dit sans exclusive en 1998, un Parlement de transition et un gouvernement de transition dit d’union nationale, en réalité composé en majorité de partisans de Sassou Nguesso, les ténors de l’opposition étant tous en exil. Après une transition de cinq ans, une nouvelle constitution fut élaborée, taillée sur mesure et excluant l’opposition de la possibilité de candidater à la magistrature suprême. Cette constitution consacre la naissance d’un régime présidentiel dont tous les pouvoirs sont entre les mains du président de la République.
Des élections sont organisées en 2002 et plébiscitent Denis Sassou Nguesso, seul « grand candidat », à la tête de l’État pour cinq ans. Un nouveau Parlement est élu, sinon désigné, composé en majorité par le parti congolais du travail (PCT) de Denis Sassou Nguesso. Depuis lors, on assiste à un semblant de démocratie, à une gestion du pouvoir de main de fer par Sassou Nguesso, ses partisans et son clan.
Prototype d’acteurs politiques congolais
Après l’élection de Denis Sassou Nguesso à la tête du pays en 2002, on assiste à une certaine main tendue du président à certains opposants politiques. Des lois d’amnistie seront promulguées en faveur de certains hommes politiques. Mais ce sont surtout des politiciens sans grande influence politique. Nombreux sont ceux qui décident de rentrer au pays à la faveur de ces lois. Cependant, ils ne vont jouer aucun rôle pour dynamiser la vie politique nationale, à l’inverse des années 1990. Pire encore, beaucoup d’entre eux vont se ranger du côté du pouvoir en place : c’est une vague de cooptation et de corruption d’opposants.
En réalité, il n’y a pas de « nouvelles têtes » ni de nouvelles idées dans le paysage politique congolais. Face à Denis Sassou Nguesso l’opposition est de façade, sans idéologie, sans convictions, mais tribale, et pour compenser la perte de crédibilité du Président Sassou. Nombre d’entre ces opposants par ailleurs, ont, à une certaine époque, participé à une des gouvernances de Denis Sassou Nguesso. Ils ont sauvegardé les liens d’amitié ou politiques qui les unissaient soit avec lui directement, soit avec ses proches, n’hésitant pas à « renouer », avec le basculement de la situation. Avec l’arrivée de la démocratie en 1992, beaucoup d’anciens membres du PCT, partis dans d’autres formations politiques, n’avaient changé que de parti ou en avaient crée un autre, mais ont gardé leurs idées marxistes de l’époque. Ils n’ont en réalité jamais subi aucune transfiguration politique et idéologique.
Ce sont les mêmes politiciens qui s’incrustent au pouvoir depuis des décennies, avec les mêmes idées et recettes politiques. Ils se connaissent parfaitement, nourrissent les mêmes ambitions, se soutiennent mutuellement sans se remettre en question. Résultat : ils exigent à nouveau l’organisation d’états généraux de la nation sans demander leurs propres états généraux. En définitive, Denis Sassou Nguesso a tiré les leçons de l’humiliation subie en 1991. Avec tous les pouvoirs entre ses mains, il parait utopique de rêver qu’il acceptera à nouveau un vrai dialogue avec une vraie opposition – non soupçonnée d’être à sa solde.
Ce sont des politiciens courageux, soucieux des intérêts du pays, avec des vraies stratégies de sortie de crise dont le peuple congolais a besoin.