De plus en plus de Camerounaises mariées attirées par l’Occident


Lecture 4 min.
arton10695

Un soir, au retour du travail, Collins s’est retrouvé seul avec ses enfants. Après avoir attendu vainement son épouse qui ne rentrait pas, il s’est résolu à contacter les parents et les connaissances. Ce n’est qu’au cinquième jour qu’une voisine l’informera, sur le ton de la raillerie, que sa chère épouse est partie pour l’Europe après un mariage contracté avec un Blanc.

Yaoundé, correspondance

Par Adrienne Engono

Collins venait ainsi de grossir le rang des époux dont la femme a cédé à une mode qui est en train de faire des ravages au sein des familles camerounaises. En effet, alors que sous d’autres cieux ce sont des jeunes qui bravent l’océan et ses pièges pour rejoindre à tout prix l’Europe, attirés par ses mirages, au Cameroun, de plus en plus de femmes mariées abandonnent leur foyer pour des mariages avec des Européens, selon divers témoignages recueillis par la PANA.

Le phénomène prend une telle ampleur que des voix interpellent les autorités pour des mesures strictes. Pour le sociologue Essaga S., l’arrimage du Cameroun à la mondialisation et, surtout, le souci de créer une société des libertés, ont fait disparaître certaines contraintes qui limitaient les mouvements des femmes. C’est ce qui explique la situation alarmante vécue par certaines familles aujourd’hui, estime-t-il, appelant les autorités à placer des garde-fous pour sauver la famille camerounaise du naufrage.

Avec la bénédiction de leurs hommes

Selon un gestionnaire de cybercafé de Yaoundé, les femmes mariées sont les plus intéressées par les sites Internet proposant des liaisons avec des Européens. En général, elles sont mariées à des hommes presque en fin de carrière dans l’administration ou dans le privé. Certains hommes acceptent le départ de leur épouse parce qu’ils se sentent limités financièrement. Dans ces cas, la famille garde un semblant d’équilibre bâti sur la « fortune » de la femme.

Le phénomène de l’exode des femmes mariées toucherait davantage les provinces du Littoral et du Grand Sud (centre, sud et est), caractérisées par un certain libertinage sexuel. Quatre femmes concernées sur cinq seraient originaires de ces provinces, selon Essaga S. Il serait pourtant injuste de jeter la pierre aux seules femmes, les hommes ayant parfois une part de responsabilité dans l’exode de leur épouse, s’ils ne le facilitent pas tout bonnement, comme Thomas A.

Pris entre deux feux, son épouse légitime et sa maîtresse, il a lui- même expédié la première en Occident pour pouvoir légaliser sa liaison avec la seconde. Contrairement à Essaga S., qui pense que c’est la pauvreté qui entraîne ce type de comportement, Collins estime qu’il faut rechercher les causes ailleurs, car, fait-il observer, la plupart des époux victimes vivent au-dessus du seuil de pauvreté.

Un déshonneur peut signalé

Ancien séminariste, Christophe M. pense que la société camerounaise manque de repères aujourd’hui, l’argent ayant, selon lui, pris le dessus sur les valeurs fondamentales. « Chacun veut faire comme l’autre, chacun veut être comme l’autre quelle que soit la voie empruntée », souligne-t-il, appelant à une « prise de conscience collective et surtout une forte implication des hommes d’Eglise pour le réarmement moral de la société ».

Selon lui, la fièvre de l’Occident, qui gagne de plus en plus les Camerounaises mariées, est un danger pour la société toute entière. Plus grave, note-t-il, les hommes dont les femmes sont tentées par l’appel des sirènes occidentales sont en danger permanent, parce que ces dernières cherchent à les mettre hors d’état de nuire par l’envoûtement et parfois même par l’élimination physique.

Aucune disposition ne met le pays à l’abri du phénomène. Cependant, selon Cyprien, juriste, le silence du mari autour de la question déshonorante fait qu’il ne cherche même pas, souvent, à faire constater l’abandon du foyer par un huissier. Les services d’état civil des mairies, où ces mariages sont enregistrés, pourraient permettre un certain contrôle que l’absence de système informatisé rend néanmoins difficile. Ainsi, faute d’un cadre légal, le phénomène semble avoir de beaux jours devant lui et nombreux seront ceux qui, comme Collins, n’auront que leurs yeux pour pleurer.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News