De Nkurunziza à Ndayishimiye : le Burundi n’est pas sorti de l’auberge


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Ndayishimiye et Nkurunziza
Ndayishimiye et Nkurunziza

Ceux qui pensaient que le successeur de Pierre Nkurunziza à la tête du Burundi, Evariste Ndayishimiye, serait plus ouvert et donc pourrait engager le pays dans une nouvelle direction, ont, depuis l’installation du nouveau Président, de plus en plus d’éléments pour comprendre qu’ils faisaient fausse route. De la nomination des faucons du régime à des ministères stratégiques à l’arrestation, depuis plusieurs jours, du militant tutsi, Thérence Bushano, les éléments s’accumulent.

Avec la mort du « guide suprême », Pierre Nkurunziza, certains Burundais, tablant sur la personnalité du général Ndayishimiye, nouvel homme fort du Burundi, espéraient une certaine ouverture du régime du CNDD-FDD. Très vite, ils se sont rendus compte qu’ils se construisaient des châteaux en Espagne. Et pour cause. Cinq jours après son investiture intervenue le 18 juin 2020, Evariste Ndayishimiye nomme un Premier ministre. Pas n’importe lequel : le terrible Alain-Guillaume Bunyoni. Précédemment ministre de la Sécurité publique sous Pierre Nkurunziza, sa responsabilité dans la sanglante répression qui s’est abattue sur le Burundi en 2015, après la candidature de l’ex-Président pour un troisième mandat, est un secret de polichinelle. A son tour, Alain-Guillaume Bunyoni, chargé de former une équipe gouvernementale, s’entoure de durs du régime comme le général Gervais Ndirakobuca promu ministre de l’Intérieur, Albert Shingiro devenu ministre des Affaires étrangères, entre autres. Avec un tel gouvernement littéralement pris en otage par les caïds du CNDD-FDD, les Burundais en exil qui caressaient le rêve de rentrer au pays peuvent, en attendant, enterrer ce rêve.

Ceci d’autant plus que le régime vient d’envoyer un signal fort à tous ses opposants, en arrêtant le militant tutsi, Thérence Bushano, détenu par la police depuis plusieurs jours. Le vice-président de AC-Génocide, une association tutsi de lutte contre le génocide, a été interpellé en compagnie de trois journalistes du média indépendant Iwacu à qui il donnait, sur le parking de l’aéroport de Bujumbura, une interview au sujet de la commémoration officielle du 25e anniversaire du massacre d’étudiants hutus, le 11 juin 1995. Si les journalistes ont été libérés au bout de trois heures d’interrogatoire, après avoir supprimé l’enregistrement de l’interview déjà réalisée, Thérence Bushano, lui, accusé d’« atteinte à la sécurité intérieure de l’État », est resté aux mains de la police.

A l’étape actuelle, il est difficile de savoir si le vice-président de AC-Génocide a été arrêté pour son activisme au sein de cette association ou plutôt pour ses dénonciations en tant que syndicaliste. En effet, l’homme est également membre du syndicat des travailleurs de la SOBUGEA (Société Burundaise de Gestion des Entrepôts et d’Assistance des Avions en Escale). En tant que tel, il avait toujours dénoncé des malversations financières dont se rendaient coupables les responsables de cette société, et avait déjà fait l’objet d’arrestations, par le passé.

Dans tous les cas, cette nouvelle arrestation pose un sérieux problème de respect des droits humains dans ce Burundi qui s’illustre, depuis des années, dans des actes de violation permanente de ces droits. Surtout que, souffrant d’insuffisance rénale, Thérence Bushano est sous dialyse depuis des années, à en croire ses proches. Donc une détention prolongée qui le priverait de soins signifierait purement et simplement son arrêt de mort, comme l’a laissé entendre un de ses proches : « Ils savent qu’il souffre d’une maladie de reins et qu’en le malmenant, il finira par succomber à la maladie. Ils ne veulent donc que sa mort ».

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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