Cheik Oumar Sissoko est un homme d’engagement. Difficile de le suivre, même du regard, sans faire le grand écart. Il a pour particularité de faire cohabiter le rêve et la lucidité, l’action et la méditation, l’humour et la sagesse, l’humilité et l’érudition. Mais il faut que je m’arrête là car une telle pluie de compliments pour un seul homme, c’est toujours suspect et cela pourrait même se retourner contre lui.
Il est vrai que derrière la politique, le cinéma, l’écriture, la radio, la production, ce cinéaste donne l’impression, quoi qu’il fasse, d’être guidé par une seule et même voix : celle de l’intégrité. D’abord, son militantisme l’a poussé à se battre pour faire tomber Moussa Traoré chef d’Etat dictateur, au Mali. Aujourd’hui, lorsqu’on lui a proposé de réaliser Battu qui a obtenu le prix du public RFI au Fespaco, d’après le roman La Grève des Battus de l’écrivain sénégalais Aminata Sow Fall, il a accepté car ce sujet répondait pour lui à une nécessité. Celle de parler de tous les exclus du monde, en marge de la mondialisation, sans place sur terre ni ailleurs, car ils ne possèdent ni toit, ni papiers, ni travail. Alors ils tendent la main par milliers dans toutes les villes du monde. Et plus les pays s’enrichissent, plus le nombre de mendiants augmentent. Pour Cheik Oumar, la paupérisation a empiré au Mali et dans le scénario, qui s’inspire d’une situation réelle, il montre comment le maire qui privilégie le tourisme, décide de chasser tous les mendiants hors des murs de la ville. Car il est vrai que même avec un appareil jetable, le cliché d’un enfant qui dort par terre, ça fait désordre.
» La misère dans la rue, symbolise pour les hommes de pouvoir l’échec de leur politique.
En plus, une des valeurs fondamentales de nos sociétés, qui est l’entraide au sein de la communauté, est fragilisée. Car la pauvreté fait éclater la structure familiale. Dans l’Islam, la mendicité a une autre signification. Elle fait partie de la culture, car dans le geste d’aider son prochain, on se rapproche du Bien, et on se rachète d’actes répréhensibles. La mendicité joue alors un rôle social, qui sert la cause rédemptrice de la religion. Pour avoir envie de faire un film, il faut que j’en ressente la nécessité. Il y a toujours une situation d’urgence à traiter, liée à l’actualité. C’est pourquoi, je me suis toujours inspiré d’un écrivain malien majeur, comme Amadou Hampàte Bâ qui considère que la création artistique doit avoir une utilité sociale. »
La maison d’Afrique
J’ai un rêve depuis 20 ans qui va bientôt voir le jour. Il s’agit de créer, en plus de ma maison de production Kora film, un espace culturel sur 3 niveaux qui comprendra une scène pour la musique, la danse et le théâtre. Une salle de projection, un cyber-café concert, une bibliothèque et une grande épicerie. Ce lieu, qui sera aussi un lieu de Résidence pour artistes s’appellera » Maison d’Afrique » et aura son site internet. Pour aboutir à un système de distribution de films sur le continent comme Ecrans Libres d’Afrique de l’Ouest et Ecrans Noirs, qui servent aussi de manifestations promotionnelles, il y a une entraide avec d’autres cinéastes africains comme Dany Kouyaté qui a créé sa maison de production ou Issa Traoré.
En tant que militant du mouvement SADI (Solidarité africaine démocratie et indépendance)
Je suis candidat à députation. J’en ai assez d’entendre dire par les médias que l’Afrique est pauvre. C’est un continent immensément riche, grace à ses hommes, à ses richesses naturelles et à son energie.